Il y a 40 ans, la fine fleur du rock psychédélique et "peace and love" des années 1960 se produisait, quatre jours durant (un de plus que prévu), sur la scène de Woodstock devant 450 000 hippies rassemblés dans un champ boueux.
Michael Lang, le hippie qui créa Woodstock
La légende de Woodstock est intimement liée à Michael Lang. Et vice-versa.
L’idée est née de ce jeune hippie débrouillard aux faux airs de Jim Morrison. Un festival de musique en pleine nature et en plein air pour célébrer la paix, l’amour et le pouvoir des fleurs, dans la plus pure tradition du "Summer of Love" californien de 1967. Tout un programme.
Cet été 1969, Michael Lang a 24 ans. Il a déjà à son actif l’ouverture d’un coffee-shop florissant à Miami, l’un des premiers aux Etats-Unis. A la fin des années 1960, l’heure est à "l’élargissement de son champ de conscience" et les drogues circulent encore en toute légalité.
Mais ses premiers pas dans l’univers de la musique, Michael Lang les faits en 1968 lorsqu’il se lance, tête baissée, dans l’organisation du Miami Pop Festival. A l’affiche, des noms encore peu connus comme Jimi Hendrix. Premier coup, premier triomphe. Le festival attire plus de 100 000 personnes.
Fort - et fier - de son succès, Michael rêve de réitérer son exploit et d’ouvrir un studio d’enregistrement à Woodstock, village de la campagne new-yorkaise où se réfugient quelques stars de la musique, dont son idole Bob Dylan. Son chemin croise alors celui de trois autres hurluberlus : John Roberts, Joel Rosenman, tous deux à la recherche d’un fructueux placement, et Artie Kornfeld, vice-président de Capital Record. A défaut d’un studio, les quatre garçons dans le vent lancent Woodstock Venture dans l’objectif d’organiser un immense festival.
Ce qu’ils pensaient être un bon investissement se transforme en gouffre financier. C’est encore Michael Lang qui, alors
que le site est pris d’assaut par des centaines de milliers de jeunes échevelés, lance le célèbre : "A partir de maintenant, c’est un concert gratuit !" La légende de Woodstock est en train de naître, sans que ces organisateurs ne sachent que leur initiative deviendra, quelques années plus tard, le symbole du mouvement hippie et de la contre-culture des années 1960.
Depuis, le jeune insouciant qui trimballait ses pattes d’éph’ dans la boue de Bethel s’est transformé en homme d’affaires avisé. Sa spécialité : l’organisation d’événements culturels.
En 1994 et 1999, Michael Lang a tenté de refaire vivre la légende en organisant les 25 puis les 30 ans de Woodstock. Il aurait bien célébré les 40 ans du festival de la même façon, mais, crise oblige, le sexagénaire a dû tout annuler. Faute de crédit. L’esprit de 1969 est bien loin.
Les légendes de Woodstock
Jimi Hendrix, la star emblématique du festival
Au matin du quatrième jour, bandeau rouge dans la tignasse crépue et veste à franges, Jimi Hendrix fait grincer sa guitare dans une version psychédélique de l’hymne américain "Star Spangled Banner". Un enchaînement de vibratos et saturations, métaphores des bombes américaines pilonnant le Vietnam. Ce jour-là, la "bannière étoilée" torturée par Hendrix entre dans l’histoire du rock.
Janis Joplin plane
Le 17 août 1969, la chanteuse à la voix rocailleuse tangue, accède tant bien que mal au micro, soutenue par trois personnes. Dix heures qu’elle piétine en attendant son tour. Dix heures passées à vider des bouteilles et à fricoter avec l’héroïne. Dans un état second, elle livre aux côtés du Kozmic Blues Band, l’un des plus mauvais concerts de son histoire. Si mauvais qu’elle refuse de figurer dans le montage final du film du festival, réalisé par Michael Wadleigh. Finalement, pour les 25 ans de Woodstock, le réalisateur décide d’y inclure le légendaire morceau "Work me, Lord".
Joe Cocker reprend les Beatles et accède au rang de star
Si, avant Woodstock, Joe Cocker était considéré comme l’étoile montante de la musique pop, le festival l’érige en véritable star internationale. Le jeune homme, 25 ans à peine, n’y chante pourtant que cinq chansons. Mais son interprétation de "With a Little Help from my Friends" laisse béats les centaines de milliers d’amoureux de paix, de musique et de liberté qui pataugent à ses pieds dans le champ de boue.
Les grands absents du festival
Les quatre organisateurs avaient initialement choisi la commune de Woodstock pour y installer leur scène. C’est dans cette petite commune bobo de l’Etat de New York que s’est retiré Bob Dylan, victime trois ans plus tôt d’un accident de moto. En portant son choix sur cet endroit, Michael Lang, a une idée derrière la tête : réconcilier Dylan avec le mouvement hippie. Raté. "Je crois que ce festival n’est pas différent des autres", déclare le chanteur dans un journal local.
Non seulement Dylan ne répond pas à l’invitation malgré l’insistance de Michael Lang, mais deux semaines plus tard, il lui fait un véritable pied de nez en participant au festival de l’île de Wight. L’icône folk des années 1960 se mord les doigts de n’avoir pas foulé la scène de Woodstock. Il se rattrape en 1994, lors des 25 ans du festival.
The Doors, que leur chanson contre la guerre du Vietnam "Unknown Soldier" a propulsé au sommet en 1968, brillent par leur absence à Woodstock. 1969 est une année difficile pour les quatre musiciens. Leur quatrième album "The Soft Parade", qui vient de sortir est un succès, mais l’ambiance au sein du groupe n’est pas des plus sereines et Jim Morrison, le chanteur du groupe, est en plein procès pour atteinte à la pudeur, pour s’être déshabillé devant le public pendant un concert à Miami. The Doors annulent tous leurs concerts, dont Woodstock, et leur tournée européenne.
"Mon plus gros regret a été de ne pas avoir réussi à faire venir John Lennon", déclare Michael Lang quelques années après le festival. Ce n’est pourtant pas faute de l’avoir invité. Le chanteur des Beatles, pour faire venir son groupe, aurait posé une condition : chanter avec le Plastic Ono Band, le groupe de sa compagne Yoko Ono. "Pas question", répondent les organisateurs. L’affaire est bouclée, la légende anglaise ne viendra pas.
Bob Dylan, The Doors, The Beatles, mais aussi The Rolling Stones, jugés un peu trop violents pour l’esprit “peace and love” du festival, et Led Zeppelin, qui voulait être en tête d’affiche de peur de passer pour "un groupe parmi d’autres", ne jouent pas sur cette scène mythique, posée au milieu d’un champ.