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L’acquittement de Bemba ressuscite la question de son avenir politique

L'acquittement par la CPI de l'ex-vice-président congolais Jean-Pierre Bemba et sa remise en liberté provisoire en Belgique interrogent les médias d’Afrique de l’Ouest et centrale sur son avenir politique, à six mois de la présidentielle.

Deux ans après sa condamnation par la Cour pénale internationale (CPI) à dix-huit ans de prison pour "crimes de guerre" et "crimes contre l’humanité" commis en Centrafrique en 2002 et 2003, l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba est libre. Acquitté en appel le 8 juin et remis en liberté provisoire une semaine plus tard, il a retrouvé sa famille en Belgique, pays où il était exilé depuis 2007 et où il avait été arrêté en 2008.

"Jusqu’à ce 8 juin 2018, (Jean-Pierre Bemba) incarnait la victoire de la CPI sur les hommes puissants et nantis. Jusqu’à ce jour, il était pour toutes les victimes de crimes à travers le monde, un motif d’espoir, une raison de croire en une justice au-dessus de tous soupçons. Mais cette image-là est révolue", considère le journal guinéen Ledjely qui voit dans cette décision de la CPI un très mauvais signal envoyé à l’Afrique.

"Critiquée pour sa trop grande propension à n’écrouer que les faibles en général et les Africains en particulier, la Cour pénale internationale vient de rendre une décision partie pour conforter le camp des complotistes, qui voient en elle un instrument que la communauté internationale manipule à sa guise. Parce qu’au lieu de susciter de l’enthousiasme, l’acquittement annoncé de Jean-Pierre Bemba par la Cour d’appel de la CPI passe pour un verdict politique", estime le journaliste de Ledjely.

"Quel rôle jouera-t-il ?"

"Un verdit politique" ? C’est aussi ce que considère l’Observateur, journal basé au Burkina Faso. "Avec ces verdicts politiquement opportuns (l’acquittement et la remise en liberté provisoire de Jean-Pierre Bemba, NDLR), comme si le calendrier judiciaire voulait se synchroniser avec l’agenda électoral à quelques six mois des élections générales congolaises censées mettre un terme à la crise ouverte par la fin du mandat de Joseph Kabila Kabengué, se pose plus que jamais la question de l’avenir partisan de ce mastodonte que ses militants voient déjà porter leurs couleurs à la présidentielle du 23 décembre", lit-on dans un article intitulé "Allô Kinshasa, ici La Haye".

Cependant, l’Observateur émet des doutes sur le retour de l'ancien chef de guerre dans "l’impitoyable arène politique congolaise", notamment en raison des "délais serrés", à six mois de l’échéance présidentielle dans un pays plongée dans une nouvelle crise politique depuis un an et demi.

"Dans son camp, personne ne doute de sa volonté de remonter sur la scène politique congolaise… surtout à 6 mois d’une élection présidentielle qu’il avait perdue de peu en 2006 !", contaste pourtant le site d’information congolais Afrikarabia. "Si le timing paraît un peu serré pour le patron du MLC, Bemba compte sur l’effet de surprise pour s’imposer de nouveau à la tête de l’opposition congolaise. ‘C’est un bulldozer, un animal politique’ assure-t-on au MLC [milice de Jean-Pierre Bemba, devenue un parti politique, NDLR] et aucun ne le voit rentrer à Kinshasa pour jouer les seconds rôles."

Ce ne sera très certainement pas le cas avant le 4 juillet, date à laquelle Jean-Pierre Bemba doit être fixé dans une affaire annexe de subornation de témoins qui lui avait valu, en mars 2017, une condamnation à un an de prison et 300 000 euros d'amende. D'ici là, il doit "s'abstenir de faire des déclarations publiques sur cette affaire, ne pas changer d'adresse sans préavis, ne contacter aucun témoin et se rendre immédiatement aux autorités compétentes si la Chambre de première instance l'exigeait", a averti la Cour pénale internationale.

"Quel rôle jouera-t-il ? Va-t-il se lancer dans la course électorale ? De l’avis de la secrétaire générale du MLC, la députée nationale Eve Bazaïba, le sort de Jean-Pierre Bemba et son nouveau statut dans le paysage politique seront connus au terme du congrès du MLC, projeté au mois de juillet à Kinshasa", affirme le journal Le Potentiel, basé à Kinshasa dans un article intitulé "En liberté provisoire, J-P. Bemba se retranche en Belgique".

"Une défaite évidente pour Kabila"

“C’est une victoire évidente pour Jean-Pierre Bemba. Une défaite tout aussi évidente pour le président Joseph Kabila", estime le juriste congolais Fréderic Bolat installé en Belgique, interrogé par le journal belge, La Libre. “Bemba peut se présenter à la présidentielle. Il est toujours sénateur et n’a jamais été condamné en République démocratique du Congo”, rappelle le spécialiste.

Pour le journal burkinabé Le Pays : "Toujours est-il que la remise en liberté provisoire de Bemba ne sera pas perçue d’un bon œil à Kinshasa où Kabila fait des pieds et des mains pour rebeloter". La Constitution interdit à Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001 et dont le mandat a expiré le 20 décembre 2016, de se représenter, mais ses détracteurs l'accusent de chercher des solutions pour rester au pouvoir.

L'ancien vice-président congolais "pourra rentrer" en République démocratique du Congo s'il le souhaite, a assuré dimanche 17 juin le ministre congolais des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, dans l'émission "Internationales" de RFI/Le Monde/TV5Monde, sans préciser s'il était poursuivi par la justice congolaise. Le dépôt des candidatures à l'élection présidentielle prévue en décembre est annoncé du 25 juillet au 8 août.