La polémique avait été ranimée début avril, après la diffusion d'un reportage consacré aux sorties scolaires dans les Apple Store français. Ce lundi, le ministère de l'Éducation nationale a annoncé leur interdiction au magazine Marianne.
Le 3 avril dernier, un reportage diffusé dans le 20 heures de France 2 révoltait nombre de téléspectateurs. On y suivait, filmée en caméra cachée, une classe de CM2 d’une école publique de la région parisienne en sortie scolaire dans un Apple Store. À leur arrivée dans le magasin immaculé, les élèves s’étaient vus accueillis sous les acclamations des employés, disposés de manière à former une haie d’honneur. Chaque enfant y avait même reçu un tee-shirt estampillé du logo de la marque ainsi qu’une clé USB.
Si une telle démarche, entreprise dans un contexte scolaire, avait de quoi interroger, le fait d’apprendre qu’Apple recevait des enfants dans ses boutiques de la même manière que des clients venus s’offrir le dernier modèle du téléphone à la pomme avait quelque chose d’encore plus dérangeant. Organisées à la demande des professeurs des écoles eux-mêmes, via une simple demande sur le site Web d’Apple, ces sorties scolaires auraient pourtant pour but de former les enfants au code, de "leur faire vivre une expérience d’apprentissage inédite" par le biais de séances de jeu éducatif sur iPad et, plus largement, de "leur permettre de découvrir comment se servir des produits Apple pour les mettre au service de leur imagination", peut-on lire le site de la marque californienne en français.
Ces visites d'Apple Stores enfreignent "le principe de neutralité du service public", selon le ministère
Malgré tout, il nous semble évident que toute mission éducative cautionnée par le ministère de l’Éducation nationale ne peut légitimement être menée par une société privée dont le but est de vendre ses produits. Mais les choses n’étaient visiblement pas si évidentes que cela pour le gouvernement, qui aura mis plusieurs semaines à s’exprimer sur le sujet face aux demandes des journalistes.
Ce lundi, Marianne a enfin obtenu une déclaration claire de la part du ministère de l’Éducation nationale. Mieux encore, celui-ci a même statué sur la question du bien-fondé de telles sorties scolaires : les visites de classes dans les Apple Store n’auront tout simplement plus lieu, car ces dernières enfreignent "le principe de neutralité du service public". "Le ministre a fermement condamné ces sorties scolaires dans les magasins Apple", a-t-on expliqué à Marianne.
La classe de mon fils y va la semaine prochaine. J'ai refusé. J'ai aussi alerté le maître et la directrice, qui ne voient absolument pas où est le problème. Scandaleux!
VIDEO. Des sorties de classe au musée ? Non, dans un magasin Apple ! https://t.co/GVRBqJ18na via @franceinfo
— Céline Largier Vié (@celargier) 5 avril 2018
Une controverse de longue date
Comme le rappelle le magazine, si la polémique avait éclaté à l’issue de la diffusion du reportage de France 2, elle ne date pas d’hier : la marque fait la promotion de ces sorties scolaires depuis bientôt dix ans. Dans des billets de blog distincts publiés en 2016, Paul Vannier, secrétaire national du Parti de gauche, et Paul Devin, inspecteur de l’Éducation nationale, avaient déjà tiré la sonnette d’alarme. Deux ans plus tard, le second s’exaspérait encore de l’existence de telles sorties auprès de Marianne : "Apple ne fait pas ici œuvre de charité en accueillant ces enfants. L'école n'est pas le lieu de la stratégie commerciale d'une entreprise !"
À l’époque, le ministère de l’Éducation, dirigé par Najat Vallaud Belkacem, avait formulé sa réponse aux critiques sur Twitter :
.@Vannier75 Les enseignants utilisent leur liberté pédagogique de façon pertinente pr éviter les pièges commerciaux. Faisons-leur confiance.
— DirectNVB (@DirectNVB) 21 décembre 2016
Apple n’est pas la seule entreprise de produits technologiques à proposer ce type d’excursions pédagogiques. Depuis 2012, Microsoft propose de son côté une "classe immersive" aux enseignants de "CE1 à la 3e qui souhaitent venir y faire cours et faire vivre aux élèves de nouvelles expériences pédagogiques". Elle aussi est désormais interdite par le ministère.
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