
Benghazi est à genoux. La deuxième ville de Libye se relève à peine de quatre ans de guerre entre des milices extrémistes et des groupes autoproclamés "Armée nationale libyenne", menés par le controversé maréchal Khalifa Haftar. Près de la moitié de Benghazi a été touchée par les combats, mais la population fait preuve d’une belle énergie pour reconstruire sa ville. Nos reporters Éric de Lavarène et Thierry Trelluyer se sont rendus sur place.
En février 2011, c’est à Benghazi que commence le Printemps libyen, avant d’essaimer dans tout le pays. Après plusieurs mois d’intenses combats, les révolutionnaires renversent le régime du colonel Mouammar Kadhafi. Une ère nouvelle s’ouvre en Libye. Mais le pays peine à se défaire des groupes armés qui ont combattu ensemble la dictature, sans parvenir à s’entendre.
Mi-2014, la guerre civile éclate. À Benghazi, le général Khalifa Haftar, ancien officier de l’armée libyenne qui a fait défection à la fin des années 1980, prend la tête d’un groupe de combattants pour renverser les brigades djihadistes qui se sont emparées de la ville à la faveur de l’après-révolution, et dont certaines ont prêté allégeance à l’organisation État islamique (EI). Les combats durent quatre ans, les combattants islamistes sont chassés, mais plusieurs milliers de personnes sont tuées et près de 40 % de la ville est en partie détruite.
Tripoli en ligne de mire
Aujourd’hui, Benghazi est à nouveau en paix... ou presque. La ville se rêve déjà en modèle d’une Libye pacifiée et réconciliée, mais les défis qui l’attendent sont considérables : reconstruire - sans réels moyens - les quartiers ravagés, relancer une économie moribonde alors que le pays est traversé par une grave crise de liquidité, en finir avec les groupes armés, et enfin anéantir les cellules dormantes de l’EI qui se cachent encore en ville et commettent des attentats.
Parallèlement, le nouvel homme fort de l’Est libyen, Khalifa Haftar - devenu entretemps maréchal - s’est lancé dans une bataille de reconquête de tout le pays, en bâtissant une armée nationale libyenne, sur laquelle il s’appuierait bien pour prendre la capitale Tripoli, où se trouve le gouvernement d'union nationale (GNA), issu d'un accord parrainé par l'ONU et reconnu par la communauté internationale.
Pour cela, le maréchal Haftar a besoin de faire de Benghazi la vitrine de l’Est libyen. En attendant, la population fait preuve d’une belle énergie, comme Mahmoud, le prof de musique démineur, qui partage ses journées entre les cours de musique et le désamorçage d’engins explosifs laissés par les combattants de l’EI. Ou Mawada, jeune entrepreneuse revenue d’exil qui a monté la première école de maquillage de Libye. Ou encore Akram le réserviste, qui n’hésite pas à remettre son uniforme quand sa ville est menacée. Nous sommes allés à leur rencontre.
En tant que journalistes étrangers, notre tournage dans la région a été encadré par les autorités. En Libye, hier comme aujourd’hui, les journalistes ne restent jamais vraiment libres de leurs mouvements.