
À la liste des nominations de "The Shape of Water" aux Oscars, il aurait fallu ajouter Doug Jones comme "meilleur acteur". Celui qui donne vie au héros amphibien du film est la créature favorite du réalisateur Guillermo Del Toro depuis 20 ans.
La filmographie de Guillermo Del Toro est une fantastique galerie de monstres. Et le réalisateur mexicain vient d’en ajouter un à sa collection avec la sublime créature de "The Shape of Water", un conte pour adultes poétique, sensible et tout sauf niais, au cinéma le 21 février et nommé à treize reprises pour les Oscars 2018.
Derrière les yeux globuleux et les écailles de ce héros amphibien dont la mise en place du costume nécessitait trois heures de travail chaque jour, se cache l’acteur Doug Jones, un fidèle de Guillermo Del Toro depuis vingt ans. Sauf qu’a priori, son visage ne vous dit rien. Et pour cause, cet Américain proche de la soixantaine n’incarne presque que des monstres. Et surtout ceux de Del Toro.
En 1997 déjà, Doug Jones était un horrible insecte mutant de "Mimic". Dans la saga "Hellboy", c’est lui qui donne vie à Abe Sapien ainsi qu’à l’Ange de la mort. En 2006, il incarne à la fois le personnage mythologique du faune et celui du Pale Man dans "Le Labyrinthe de Pan". Et quelques années plus tard, Guillermo Del Toro fait à nouveau appel à lui pour le rôle du vampire sanguinolent de la série "The Strain".
Un interprète unique
"Il y a une catégorie très rare d’acteurs qui peuvent travailler avec du maquillage, des costumes, des heures de pose de prothèses et des mécanismes qui vrombissent dans vos oreilles. Et dans cette catégorie-là, il y a ceux encore plus rares, d’ailleurs je crois que Doug est l’unique, que vous pouvez vraiment considérez comme de bons interprètes", confiait à son sujet Guillermo Del Toro dans un portrait du New York Times.
As someone who has done extensive motion capture and prosthetic work I can tell you that it requires immense skill and discipline. Doug jones is to that what Andy Serkis is to mo-cap.
Deserves to be recognized. pic.twitter.com/0HQzBjiUyy
— Robert Kazinsky (@RobertKazinsky) 31 janvier 2018
"40 ans pour accepter la personne grande, maigre et dégingandée que je suis"
D’abord mime de rue ou homme-lune dans une pub McDonald’s, Doug Jones a mis longtemps avant d’assumer sa singularité et d’en faire une force. "Ce n’est qu'à la quarantaine que j’ai pu accepter la personne grande, maigre et dégingandée que je suis", expliquait-il récemment à un journaliste du site Vulture. "Lorsqu’on est jeune, grandir dans le Midwest et être différent des enfants normaux c’est un peu une malédiction. J’étais la cible de beaucoup de blagues. J’ai dû développer un sens de l’humour comme mécanisme de défense."
Sur le tournage de "Mimic", Doug Jones et Guillermo Del Toro – "un enfant de huit ans coincé dans le corps grassouillet d’un homme" comme il le décrit affectueusement – se sont vite trouvés des atomes crochus. Et surtout une passion commune pour les monstres qui ne les séparera plus.
Jones est le corps, Del Toro la voix
Pour l’anecdote, si Guillermo Del Toro fait une confiance aveugle à Doug Jones pour incarner ses créatures, il ne renonce par contre jamais à doubler lui-même les bruitages de ses petites bêtes imaginaires.
"On a mixé ma voix avec des sons de baleine"
Lors de son passage à Paris en novembre dernier pour une séance de questions – réponses à laquelle nous assistions, le réalisateur de 53 ans éclaircissait la présence de son nom dans les crédits des effets sonores de "The Shape of Water" : "Je ne fais pas tous les sons de la créature. Mais je fais les parties où elle agonise, où elle souffre et manque d’air. Ensuite on a mixé ma voix avec des bruits de dauphin et de baleine. Vous savez, la baleine et moi, on n'est pas si éloignés alors ça rend très bien !" Et Guillermo Del Toro de raconter qu’avant ça, il s’était aussi amusé à doubler les insectes de "Mimic" et "Cronos", le Pale Man du "Labyrinthe de Pan" ou encore les kaiju de "Pacific Rim".
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