L'inquiétude grandit autour de tether, une cryptomonnaie qui vaut plus de deux milliards de dollars et qui, si elle se révélait être une arnaque, pourrait déstabiliser le bitcoin.
Elle pourrait être à l'origine du prochain crash du bitcoin. Le tether, une cryptomonnaie, cristallise ces derniers jours les craintes de toute la communauté du bitcoin et de ses nombreuses alternatives. Même les autorités américaines commencent à s’inquiéter : une citation à comparaître a été transmise à l’équipe qui gère le tether, a assuré Bloomberg lundi 29 janvier. Une enquête est en cours pour savoir s’il ne s’agit pas d’une arnaque à deux milliards de dollars.
Le tether a été créé en 2015 avec la promesse alléchante de proposer une cryptomonnaie stable, indexée sur le dollar. Dans la jungle boursière très volatile des monnaies virtuelles, un tether vaut toujours un dollar, et chaque nouveau tether créé doit correspondre à un dollar sur les comptes en banque du mystérieux créateur de la monnaie, J.L. Van der Velde, et de ses deux associés.
Une parité qui offrait aussi une solution simple à un problème récurrent : comment acheter des bitcoins ? Plusieurs marchés d’échange - dont Bitfinex, le plus important au monde actuellement - n’accepte pas de dollars, souvent parce qu’ils n’ont pas réussi à passer d’accord avec des banques traditionnelles pour avoir accès à des réserves de devises. À défaut de dollars, elles se sont mises à accepter le tether comme moyen de paiement. Une spécificité qui a rapidement valu à cette devise dématérialisée une forte popularité.
Des tethers comme s'il en pleuvait
Mais, à partir de 2017, des doutes ont commencé à émerger quant à la légitimité de cette monnaie. Ses créateurs ont émis des tethers comme s’il en pleuvait : jusqu’à 100 millions par jour. Il y en a actuellement plus de 2 milliards en circulation, ce qui signifie, en théorie, que ses créateurs ont autant de dollars en réserve.
Difficile à croire. Dans un effort de transparence, les comptes de la société Tether ont été soumis à un audit en septembre 2017. Mais en janvier 2018, coup de théâtre : la procédure est abandonnée pour cause de "complexité et longueur du processus", d’après un communiqué de Tether. Une justification qui a eu du mal à passer, et renforce les soupçons des détracteurs de la cryptomonnaie.
Entre temps, le New York Times et un bloggeur écrivant sous le nom de clavier Bitfinex’ed ont révélé que l’équipe derrière le tether était aussi aux manettes du marché d’échange en ligne Bitfinex. Un investisseur anonyme s’est alors penché sur le lien entre les émissions de tethers et le prix du bitcoin : Bitfinex étant la plateforme de change la plus importante, les transactions qui s'y déroulent influent fortement sur le prix des monnaies virtuelles. Il a découvert que chaque nouvelle création d’un grand nombre de tethers précédait une hausse de la valeur du bitcoin. La publication de ses résultats a nourri de nouvelles spéculations : et si le tether était utilisé par J.L. Van der Velde & Co. pour acheter des bitcoins sur Bitfinex afin de gonfler artificiellement le prix de la célèbre monnaie décentralisée ? En d’autres termes, la valeur du bitcoin dépend peut-être en partie d’une vaste arnaque. Si tel était le cas, "ce serait un bain de sang pour les cryptomonnaies", estime Nicholas Weaver, professeur à l’Institut d’informatique de l’université de Berkeley, interrogé par le tabloïd britannique Daily Express.
Jan Ludovicus ou Jean-Louis
Une seule personne pourrait rassurer tout le monde, mais J.L. Van der Velde ne s’exprime pas et a réduit au maximum ses traces numériques. Sur les documents légaux de Tether, il apparaît comme Jan Ludovicus van der Velde, mais sur sa page LinkedIn, il se prénomme Jean-Louis. Il y indique être PDG de Bitfinex, et avoir fait des études à l’Université national de Taïwan, mais ne fait aucune référence au tether. Il est aussi inscrit à Meetup, un ancien réseau social pour partager ses centres d’intérêt, sur lequel il précise résider à Hong Kong.
Une publication partagée par Naomi van der Velde (@naomilvdv) le 19 Juin 2016 à 10 :59 PDT
Enfin, il détient aussi une page YouTube, mais sous le pseudonyme Snarfintel. Il y a aimé une seule vidéo, celle de sa millenial de fille, Naomi van der Velde, en train de chanter à la guitare. Heureusement pour les apprentis cyber-détectives, la jeune fille est beaucoup plus active sur les réseaux sociaux que son père. Sur YouTube, elle semble apprécier de pousser la chansonnette devant une caméra, dont un morceau à la gloire du bitcoin. Elle est particulièrement active sur Instagram où l'on retrouve la trace de son mystérieux père, en costume et nœud papillon doré sur une photo postée par Naomi van der Velde à l’occasion de la fête des pères à Hong Kong en juin 2016. C’est le seul cliché sur l’Internet qui indique que Jean-Louis Van der Velde n’est pas qu’une photo de profil sur LinkedIn. Le sort du bitcoin est peut-être lié à un papa aimant dont on n’est même pas sûr du prénom.