
Le public français va-t-il s'intéresser à "Wonder Wheel", le dernier film de Woody Allen ? Le vent a tourné pour le réalisateur new-yorkais depuis que l’affaire Weinstein a donné un tout autre relief aux accusations d'abus sexuels qui pèsent sur lui.
Il semble loin le temps où Ronan Farrow cherchait en vain à ce que la presse prenne au sérieux les accusations d’abus sexuels portées contre son père, Woody Allen. C’était pourtant en novembre 2016. Il y a un an. Sa tribune dans le Hollywood Reporter jetait un lourd pavé dans la mare du cinéma. "Mon père, Woody Allen, et le danger des questions que l’on refuse de poser", titrait la tribune, avant de dénoncer la lâcheté et l’auto-censure qu’a longtemps et méthodiquement appliqué la presse spécialisée pour ne pas confronter le cinéaste avec la parole des victimes.
Une année plus tard, le vent a tourné. Et lorsque Woody Allen sort un nouveau film, "Wonder Wheel" - il est depuis le 1er décembre sur les écrans américains, et ce mercredi 31 janvier dans les salles françaises - il semble que Hollywood soit désormais prête à tout affronter du cinéaste, y compris le plus glauque.
Amazon pourrait lâcher Woody Allen en rase campagne
Impossible d’ignorer désormais le témoignage de Dylan Farrow, sa fille adoptive, qui a livré un nouveau témoignage mi-janvier sur la chaîne CBS, et remis en lumière des accusations d’abus sexuels contre Woody Allen. L’actrice principale du film, Kate Winslet, s’est désolidarisée du réalisateur. Le spectacle musical inspiré d’un de ses films a été annulé à Broadway. Et les acteurs de son prochain opus, "A Rainy Day in New York", ont promis de verser leur salaire à l’association anti-harcèlement Time’s Up. Au point que le New York Times s’interroge sur les capacités de Woody Allen à trouver désormais des financements à Hollywood. D’après le quotidien américain, Amazon pourrait même se désengager du prochain long-métrage du réalisateur, et ne plus en assurer la distribution.
La situation est d’autant plus cocasse, relève le New York Times, que celui qui avait signé avec Woody Allen au nom d’Amazon, n’est autre que Roy Price, qui depuis a été éjecté des studios, sous le coup d’accusations d’abus sexuels. Ensemble, ils avaient convenu d’un contrat de 25 millions de dollars pour assurer la production de "Wonder Wheel", soit un montant nettement plus élevé que tous les précédents contrats du cinéaste avec Lion’s Gate ou Sony Pictures Classics, assure le quotidien new-yorkais. Le film est d’ailleurs le premier à être distribué en salles uniquement par le géant de la distribution en ligne.
Cette coquette somme semble avoir été dépensée en pure perte, puisqu’aux États-Unis, le film a fait un flop. Les cinéphiles américains ont largement boudé le long-métrage, il se classe au 42e rang du box-office, avec seulement 1,4 million de dollars de recette.
"Zones d'ombre et d'inconfort"
Va-t-il obtenir un accueil plus chaleureux en France ? Rien n'est moins sûr. Aujourd’hui, la presse française scrute à son tour le bien-fondé d’applaudir ou non les films de Woody Allen. L'hebdomadaire L’Obs passe ainsi la filmographie d’un cinéaste "génial mais misanthrope, misogyne, voire pédophile" au crible de sa vie privée, et relève le "malaise" que peut susciter le visionnage de films passés.
Woody Allen a pourtant été longtemps le cinéaste chéri de l’Hexagone, programmé en ouverture du festival de Cannes. Ses longs-métrages ont souvent reçu un accueil beaucoup plus favorable en France qu’aux États-Unis, comme l’avait noté un journaliste de Slate en 2014. Rapporté à la population, le public français des films du cinéaste est plus important qu’outre-Atlantique, note le site : "Sa carrière est bien plus régulière dans l’Hexagone et certains de ses films y ont même récolté, en valeur absolue, plus d’entrées que dans son pays natal", comme c’est le cas de "Whatever Works", qui a fait 900 000 entrées en France, contre 711 000 aux Etats-Unis.
" T out admirateur un peu sérieux de Woody Allen est de longue date averti, par son œuvre elle-même, des zones d’ombre et d’inconfort dans lesquelles évolue, sous l’humour pétillant, ce douloureux stakhanoviste de l’intimité transfigurée", écrit Jacques Mandelbaum dans Le Monde, mercredi 31 janvier. "Il n’est pas un seul de ses cinquante et quelques films, désopilants traités de l’abjection, qui n’en soit un exemple flagrant. "Wonder Wheel" , qui figure parmi les plus désenchantés, n’y échappe pas", poursuit le critique de cinéma.
#TUTOTAL Faut-il aller voir le dernier Woody Allen ? Et gna gna gna... pic.twitter.com/USp4SiVhwR
Personne Ne Bouge (@PersonneNeBouge) 29 janvier 2018