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Trois mois après les élections législatives en Allemagne, les conservateurs et les sociaux-démocrates ont entamé, dimanche, des discussions en vue d'une alliance gouvernementale.

C'est la dernière chance pour Angela Merkel de constituer un gouvernement majoritaire. Les négociations entre son parti, le CDU, son allié, le CSU, et les sociaux-démocrates du SPD se sont ouvertes dimanche 7 janvier à Berlin. Plus de trois mois après les élections législatives, marquées par une percée de l'extrême droite et un repli des partis établis, il s'agit pour la chancelière de sortir l'Allemagne de l'impasse politique.

"Aucun des dirigeants politiques des trois partis ne veut repasser devant les électeurs", analyse Luc André, correspondant de France 24 en Allemagne. "Angela Merkel (CDU), Martin Schulz (SPD) et Horst Seehofer (CSU) jouent leur avenir politique. En cas d'échecs des tractations, leurs partis pourraient être tentés par un renouvellement puisqu'ils sont tous les trois en fin de carrière."

Coalition en Allemagne : les discussions de la dernière chance ont commencé

"On ne peut pas simplement continuer comme avant, les temps ont changé et cette nouvelle époque appelle une nouvelle politique", a déclaré un responsable du SPD, qui s'exprimait au nom des trois partis, à l'issue de la première journée de négociations dimanche. Les trois formations politiques ont appelé à un "nouveau style politique" dans le pays, chamboulé par les législatives de septembre.

Un optimisme de façade et des doutes

Angela Merkel, sortie victorieuse mais affaiblie des élections, voit, elle, sa marge de manœuvre réduite. En novembre, la chancelière a déjà échoué à trouver un terrain d'entente avec les écologistes et les libéraux. Pour former un exécutif disposant d'une majorité à la chambre des députés – solution qui a sa préférence –, il ne reste que le SPD, qui avance à reculons.

Même si les partenaires potentiels ont répété qu'ils entamaient "avec optimisme" ces pourparlers prévus pour durer cinq jours, les discussions promettent d'être tendues, notamment sur la politique migratoire.

"Il faut encore trouver une justification à cette coalition droite-gauche", analyse Luc André. "Les sujets ne manquent pas : transition démocratique, transition numérique… Mais il sera nécessaire pour convaincre des Allemands réticents à cette alliance." En effet, selon un sondage récent, 52 % de la population la jugent "pas très bonne" ou "mauvaise".

Seulement 45% des Allemands pensent qu'une nouvelle "grande coalition" entre la CDU-CSU et le SPD est une bonne chose, soit 16 points de moins que mi-décembre (ARD-Deutschlandtrend)

  Thomas Wieder (@ThomasWieder) 5 janvier 2018

La CSU exigeante

L'Union chrétienne-sociale (CSU), alliée bavaroise de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) de la chancelière, a réclamé ces derniers jours un net durcissement à l'égard des réfugiés dans le pays, alors que le SPD demande au contraire un assouplissement sur le regroupement familial.

Il y a des mots en Allemagne qu'il vaut mieux ne pas utiliser.
le député européen CSU Manfred Weber a parlé de "la solution finale de la question migratoire"
cela rappelle de mauvais souvenirs

  Pascal Thibaut (@pthibaut) 5 janvier 2018

"Le SPD pourrait s'entendre rapidement avec la CDU de Merkel, avec la CSU cela va être difficile", estime le quotidien Die Welt.

Le parti chrétien-social bavarois affronte une élection dans son fief régional à l'automne 2018 et risque d'y perdre sa majorité absolue face à la poussée de l'extrême droite. Dans cette optique, tout compromis avec le SPD qui le fragiliserait "n'a quasiment aucune chance", estime Die Welt.

Le SPD dans l'étau

Le SPD est, lui, très divisé sur la marche à suivre : beaucoup de ses membres préfèreraient une cure d'opposition après avoir été laminés aux législatives. Ils redoutent de voir leur parti menacé dans son existence comme le Parti socialiste en France, en cas de nouvelle participation à un gouvernement avec les conservateurs.

"Les sociaux-démocrates sont vraiment dans une position peu enviable", juge Rachel Tausendfreund, du think tank German Marshall Fund dans une analyse. Mais s'ils arrivent à imposer leurs vues, notamment sur la réforme de l'Europe, alors cela peut valoir la peine pour eux de s'allier de nouveau avec Angela Merkel, juge-t-elle.

Martin Schulz, ancien président du Parlement européen, a déjà déclaré endosser les idées françaises d'une réforme de la zone euro, avec la création d'un budget européen et d'un grand argentier pour la région, reçues avec grande réserve par l'équipe d'Angela Merkel.

Angela Merkel contrainte aux concessions

Un accord avec les sociaux-démocrates est "important pour la survie" politique de la chancelière, ce qui la contraint aux concessions, juge de son côté l'hebdomadaire Die Zeit.

Angela Merkel a promis lors de son allocution de fin d'année d'œuvrer à la formation "rapide d'un gouvernement stable". Dans le meilleur des cas, elle ne devrait toutefois intervenir que vers la fin mars. Car après les premières consultations, le SPD doit encore obtenir, lors d'un congrès extraordinaire le 21 janvier, le feu vert de ses militants pour finaliser une coalition.

Et rien ne dit qu'ils suivront leur direction au cas où cette dernière recommanderait un nouveau gouvernement avec Angela Merkel.

Quel scénario en cas d'échec ?

Dans ce cas ne resterait pour la chancelière que deux solutions : des élections dont personne ne veut, car elles ne seraient profitables qu'à l'extrême droite ou l'établissement d'un gouvernement minoritaire, à la capacité de survie très incertaine et qu'Angela Merkel a refusée jusqu'ici.

Les partis se sont au moins déjà mis d'accord sur une chose, à savoir l'obligation de silence des négociateurs jusqu'à la fin des discussions jeudi, affirme le magazine Der Spiegel. Et ce pour ne pas reproduire la cacophonie des consultations entre conservateurs, écologistes et libéraux, qui avait en partie contribué à leur échec.

Avec AFP