La notion de "pays tiers sûr" va être retirée du projet de loi sur l'immigration. Les associations sont opposées à cette mention qui devait permettre à la France de renvoyer un migrant candidat à l'asile vers un pays de transit.
Le ministère de l’Intérieur fait un pas vers les associations de défense des droits des demandeurs d’asile. À la veille d’une réunion avec les associations au sujet du projet contesté de recensement des migrants dans les centres d'hébergement d'urgence, le ministère de l’Intérieur a retiré du projet de loi sur l'immigration la notion contestée de "pays tiers sûr".
Le député LREM Sacha Houlié a déclaré, mercredi 20 décembre sur Europe 1, que cette notion avait été source d’interrogations et qu’elle ne figurerait finalement pas dans la future loi.
Pour Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile interrogé par France 24, ce retrait est une très bonne nouvelle : "La notion de pays tiers sûrs ne servait à rien et touchait à l’essence même du droit d’asile. Nous n’avons cessé de plaider pour dire qu’elle était parfaitement inutile."
En France, le principe du droit d’asile est énoncé dans le préambule de la Constitution : "Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République."
La notion de "pays tiers sûr" permet de renvoyer un candidat à l'asile vers un pays par lequel il a transité s'il apparaît que ses liens avec le pays sont assez forts et qu'il y bénéficie d'un niveau de protection conforme aux conventions internationales.
Concrètement, selon ce principe, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) n'aurait pas pu recevoir les demandes d'asile des personnes ayant transité par un pays non-européen mais considéré comme sûr.
"La Turquie est-elle un pays sûr ?"
"Selon quels critères peut-on déterminer qu’un pays est sûr ? La Turquie, par exemple, est-elle un pays sûr ?", interroge Pierre Henry, faisant référence au durcissement du régime de Recep Tayip Erdogan et, notamment, au nombre croissant d’emprisonnements de journalistes et de défenseurs des droits de l’Homme.
"Aucun pays de transit n’a envie d’être sûr selon les critères européens parce que cela signifierait qu’il leur faudrait assumer l’accueil de plus de personnes", ajoute le spécialiste du droit d’asile.
Si la Turquie est un pays par lequel passe une grande part des migrants venant de Syrie, d’Irak ou d’Asie centrale, les pays d’Africains comme le Niger et le Tchad, où transitent nombre de migrants subsahariens, auraient également pu être concernés par cette notion.
"Que le Niger et le Tchad puissent aujourd’hui être un point de départ à une voie d’accès légal au territoire européen, c’est très bien, souligne Pierre Henry. Mais de là à en faire des pays sûrs, c’est-à-dire était en capacité de donner des droits et de protéger des personnes venant d’autres pays pour des raisons politiques ou religieuses, c’est invraisemblable."
Dans un avis rendu mardi, la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l'Homme) avait, elle aussi, appelé le gouvernement "à renoncer au concept de pays tiers sûr", dénonçant une notion "qui vide le droit d'asile de sa substance et confirme son instrumentalisation au service de la régulation de flux migratoires".
Avec AFP