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Et si le bitcoin était passé à côté de ce qu'il était censé être ?

Au lieu d'être une monnaie subversive et décentralisée, il est devenu une ressource spéculative soumise aux lois du marché, déplorent certaines voix.

Elle est la plus connue des crypto-monnaies. Le bitcoin n'en finit pas de faire couler de l'encre, récemment parce qu'il a dépassé la valeur de l'or, atteint le cap des 10 000 dollars, mais aussi parce qu'outre-Atlantique, des ménages vont jusqu'à hypothéquer leur maison pour se constituer un pactole.

Depuis sa création en 2009, la reine des monnaies virtuelles a eu le temps de se frayer un chemin auprès du grand public. Mais est-elle restée fidèle aux engagements qu'elle semblait nous promettre ?

Pour Carl Miller, chercheur britannique en médias sociaux, rien n'est moins sûr. "Au lieu d'être une monnaie, le bitcoin est plutôt une ressource spéculative. Au lieu d'être efficace, les coût environnementaux et en matière de temps sont complètement extravagant. Au lieu d'être décentralisée, la propriété et le minage sont très concentrés", fait-il remarquer.

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Vu d'ici, l'alternatif bitcoin a plutôt rejoint le rang des monnaies les plus classiques. Nous sommes loin de la devise complètement pair-à-pair imaginée par le mystérieux Satoshi Nakamoto dans son fondateur "white paper". Selon lui, la destinée du bitcoin était de remplacer les moyens de paiement existants sur Internet. Problème : la bulle spéculative a fait de la crypto-monnaie une devise incroyablement volatile. Impossible aujourd'hui de régler des pizzas en bitcoin, comme il y a quelques années. Le bitcoin semble être devenu "un placement".

Loin de l'utopie libertaire de ses débuts

Alors que la monnaie virtuelle était promise à une utilisation simple (l'idée était de rémunérer d'autres internautes aussi facilement que lorsque l'on sort du cash pour acheter une baguette de pain) et sans intermédiaire, le développement du bitcoin s'est au contraire accompagné de créations de startups, à l'instar de BitPay, destinées à servir d'interface entre le client et le marchand. Alors qu'il devait être capable de se passer d'instance financière, le bitcoin s'est donc retrouvé coincé dans un système.

"C'est un peu comme si on avait inventé Internet, et au même moment, des fournisseurs d'accès hégémoniques"

"Nakamoto était un libertaire qui voulait créer un nouveau moyen de paiement outrepassant les gouvernements, les banques et les entreprises. Au lieu de cela, le bitcoin est devenu une combine pour faire fortune rapidement, un truc qui n'a plus rien à voir avec l'excitante idéologie anar qu'il y avait derrière", se désole la journaliste Adrianne Jeffries. Et celle qui écrit pour le média américain The Outline de proposer une comparaison à propos des nombreux services financiers qui aident à parier sur le bitcoin au bon moment : "C'est un peu comme si on avait inventé Internet, et au même moment, des fournisseurs d'accès hégémoniques."

Le bitcoin "était supposé être la preuve qu'un marché totalement libre peut exister. Au lieu de ça, il est un milieu plein d'arnaqueurs, de personnes cupides, de voleurs. Il est devenu une monnaie complètement inutile pour acheter un truc dans la vraie vie. Et il accélère le changement climatique. Bravo", se désole un certain Adam Chalmers, créateur australien d'applications.

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Pas si subversif que ça, le bitcoin. Pétri de bonnes intentions libertaires, il est peut être finalement devenu une monnaie à l'image de notre époque néo-libérale : soumise aux lois du marché, adossée à la tentation de l'accumulation et prisonnière des logiques de profit.

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