
Le démocrate Doug Jones a réussi mardi l'exploit de se faire élire dans l'État ultra-conservateur de l'Alabama. Un revers pour Donald Trump, qui avait choisi de soutenir le républicain Roy Moore, accusé d'attouchements sur mineures.
C’est une surprise historique mais aussi un revers pour Donald Trump. Le candidat démocrate au Sénat dans l'État de l'Alabama a réussi l'exploit de se faire élire mardi 12 décembre dans ce bastion conservateur, battant un républicain controversé accusé d'attouchements sur mineures et qui était soutenu par Donald Trump.
Doug Jones a battu l'ancien magistrat ultra-conservateur Roy Moore à l'issue d'une campagne virulente qui a captivé l'Amérique et va priver le parti au pouvoir d'un précieux siège à la chambre haute du Congrès. Jamais depuis 1992 un démocrate n'avait été élu sénateur dans cet État du Sud.
Roy Moore n’a pourtant pas reconnu sa défaite mardi soir. "Quand le vote est si serré, ce n'est pas terminé", a-t-il déclaré dans une courte intervention devant ses supporteurs à Montgomery, après plusieurs heures d’attente. Il a expliqué que si moins de 0,5 point séparait le vainqueur du perdant, un nouveau comptage des voix devait être déclenché, selon la loi de l’Alabama. "Nous devons attendre un signe de Dieu", a-t-il dit.

Félicitations de Trump
Selon les résultats portant sur 100 % des bureaux de vote, le démocrate Doug Jones a obtenu 49,9 % des voix, contre 48,4 % pour Roy Moore, soit une différence de plus de 20 000 voix.
"Félicitations à Doug Jones pour cette victoire âprement disputée", a écrit Donald Trump dans un tweet. "Une victoire est une victoire", a-t-il ajouté.
Congratulations to Doug Jones on a hard fought victory. The write-in votes played a very big factor, but a win is a win. The people of Alabama are great, and the Republicans will have another shot at this seat in a very short period of time. It never ends!
Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 13 décembre 2017Le revers est très personnel pour le président des États-Unis, qui avait appelé ses partisans à la loyauté au nom de la poursuite de son programme de réformes. Donald Trump avait fait fi des accusations contre Roy Moore dans le but de conserver ce siège, afin d'améliorer les chances d'adoption, à court terme, de la grande baisse d'impôts en train d'être examinée au Congrès. C'est la seconde mauvaise soirée électorale pour le président en un mois : en novembre, les démocrates ont remporté plusieurs scrutins pour des postes de gouverneurs ou d'autres sièges locaux.
Marge de manœuvre réduite au Sénat
Désormais, la majorité sénatoriale sera de 51 sièges sur 100, réduisant sa marge de manœuvre au quasi-minimum. Pour le parti républicain, la défaite de leur candidat est aussi, paradoxalement, un soulagement, car elle lui évite d'avoir à gérer le cas Moore. Le chef du Sénat, Mitch McConnell, avait prévenu que Roy Moore, en cas d'élection, ferait immédiatement l'objet d'une enquête de la commission éthique de la chambre haute du Congrès - une enquête qui aurait risqué de diviser le parti, a fortiori si la commission recommandait l'exclusion.
À l'exception notable de Donald Trump, la plupart des élus républicains avaient coupé les ponts avec Roy Moore après la publication de témoignages de femmes, afin d'éviter d'être sali par association. S'attirant les foudres des forces anti-establishment emmenées par Stephen Bannon, l'ex-conseiller de la Maison Blanche, en guerre ouverte avec les leaders du parti républicain.
Les démocrates revigorés
Les démocrates auraient sans doute utilisé la présence de Roy Moore au Sénat comme une arme électorale en 2018, année au cours de laquelle des élections législatives doivent renouveler la totalité de la Chambre des représentants et le tiers du Sénat. L'opposition a déjà fait valoir qu'elle avait poussé deux de ses parlementaires à la démission, après des accusations de harcèlement sexuel et de comportement déplacé.
L'élection de mardi devrait encore plus revigorer les démocrates, qui ont montré leur capacité de mobilisation, la participation de mardi ayant largement dépassé les prévisions. Les couteaux étaient déjà sortis, à droite, notamment contre Stephen Bannon, qui a fait émerger Roy Moore au moment de la primaire, contre un candidat de l'establishment républicain. "Je voudrais simplement remercier Steve Bannon pour nous démontrer comment on peut perdre l'État le plus rouge (républicain) de l'union", a tweeté, sarcastique Josh Holmes, l'ancien bras droit de Mitch McConnell.
Before we get the results, I'd just like to thank Steve Bannon for showing us how to lose the reddest state in the union and Governor Ivey for the opportunity to make this national embarrassment a reality
Josh Holmes (@HolmesJosh) 13 décembre 2017Avec AFP