Gamma, qui s'apprête à déposer le bilan, incarne l'âge d'or du photojournalisme à la française. Retour sur ses débuts "euphoriques" et regards sur l'avenir encore flou de l'agence, victime d'une crise qui touche toute la profession.
F ondateur de Gamma en 1966 puis de Sygma en 1973, Hubert Henrotte, journaliste, se souvient avec nostalgie des débuts "euphoriques" de l'agence qui s'est distinguée, selon lui, par son intégrité.
"Sans Depardon et Caron, l’agence ne serait pas devenue ce qu’elle a été. Gilles Caron a lancé Gamm a ave c la guerre des Six jours en Israël. Il était le premier photographe à avoir traversé le Sinaï. Il en a tiré un reportage de 18 pages pour Paris-Match et surtout la célèbre photo du soldat israélien se prélassant sur le Canal de Suez. Après, ça a été un enchaînement de scoop et de photos devenues depuis célèbres."
"Gamma a été la première agence à fonctionner sur le principe du 50/50 : tout était partagé à 50 % pour le photog raphe, 50 % pour l’agence, que ce soit les recettes ou les frais. Et ce, avec un principe d’intégrité absolue."
"Les débuts étaient euphoriques. Il y avait aussi des problèmes bien sûr, mais surtout de solides amitiés, une aventure de copains. Ce sont des souvenirs fantastiques. C’est avec beaucoup de tristesse que je vois tout ça s’effondrer."
George S. Blonsky est un photojournaliste indépendant qui a travaillé occasionnellement pour l’agence Gamma jusqu’en 2005. Il a couvert des événements dans le monde entier dont, récemment, les Jeux paralympique de Pékin en 2008.
"Ce qui m’a attiré chez Gamma, au-delà du prestige de l’agence, c’est qu'ils étaient très emballés par mon travail - contrairement à d’autres équipes éditoriales . Ils étaient de plus extrêmement humains."
"Il y a quelques années, je n’aurais jamais cru qu’une telle agence puisse fermer. Mais maintenant, c’est devenu un phénomène quasi quotidien. Avec cette situation économique… la lutte devient chaque jour plus difficile. "
Jean-François Leroy, directeur du festival international de photojournalisme de Perpignan, Visa pour l'Image, dénonce une "erreur monumentale de gestion" qui a conduit l'agence à la cessation de paiements.
"Gamma en est là aujourd’hui à la suite d’une erreur monumentale de gestion. Le problème des agences de presse aujourd’hui, c’est que les financiers qui sont aux commandes n’y connaissent rien. Ils veulent tout planifier, mais on ne peut pas prévoir l'actualité."
"Aujourd’hui, il y a pleins de grands photographes. Laurent Van der Stock , Noël Quidu et les autres veulent tous continuer et ils continueront à produire. Ils ne vont pas s’arrêter. Ce n’est pas la fin d’un monde. Mais ils ne sortent plus. On dit que ce n’est pas 'rentable'."
"Ce que les financiers n’ont pas compris, c’est que la production d’aujourd’hui sont les archives de demain. On a une responsabilité devant l'Histoire quand on reprend Gamma. Tous les gens qui aiment la photo se sentent aujourd’hui cocus et orphelins."