Les parlementaires américains ont rendu publique une partie des publicités créées par des agents russes sur Facebook pour influencer l'élection américaine de novembre 2016 en faveur de Donald Trump.
"États-Unis, nous avons un problème." C’est avec cette référence au message d'alerte de la mission spatiale Apollo 13 que Jackie Speier, membre démocrate de la commission d'enquête de la chambre américaine des représentants, a résumé l’audition, mercredi 1er novembre, des géants de la Silicon Valley au sujet de l’activisme russe sur les réseaux sociaux pour tenter d’influencer l’élection présidentielle de novembre 2016.
À cette occasion, Facebook, Twitter et Google sont rentrés dans le détail des campagnes publicitaires achetées par des Russes sur leurs plateformes respectives pour peser sur le débat électoral américain. C’est surtout le témoignage des responsables de Facebook qui était très attendu. En septembre dernier, le roi des réseaux sociaux avait suscité une onde de choc médiatique en reconnaissant avoir vendu, pour 100 dollars, plus de 30 000 publicités à de faux comptes russes. Ces derniers en avaient profité pour tenter de semer la discorde chez les électeurs américains en publiant des messages sur des sujets très sensibles comme les questions raciales ou les violences policières, une polarisation qui aurait joué en faveur de Donald Trump.
"Transformer des failles en gouffres"
Mais Facebook n’avait pas, jusqu’à présent, montré à quoi ressemblaient ces publicités controversées. Devant la commission parlementaire, le géant du Net a finalement levé un bout du voile. La sélection de messages publicitaires "made in Russia" rendus publics par les parlementaires américains prouvent à quel point les agents russes "se sont appropriés les codes du débat politique américain et ont su viser les bons publics", souligne le Washington Post.
"Ce dont nous parlons, c'est d'une puissance étrangère qui a réussi avec beaucoup de subtilité à s’immiscer dans une élection présidentielle et à semer le conflit et la colère à travers le pays grâce à vos plateformes", a résumé la sénatrice démocrate Dianne Feinstein.
Les publicités incriminées ne sont, en effet, pas des attaques grossières contre Hillary Clinton. Les Russes ont ainsi créé des groupes Facebook de soutien à la cause des noirs victimes de violences policières… tout en diffusant ensuite des publicités pour soutenir le travail des forces de l’ordre, et d’autres soulignant les dangers de l’activisme de mouvements comme "black lives matters".
Le but de ces propagandistes venus du froid semble avoir été de "trouver des failles dans notre société et de les transformer en gouffres", a jugé le sénateur indépendant Angus King. Ils n’ont d’ailleurs pas hésité à créer des publicités anti-Trump pour appeler en termes violents à des manifestations contre les partisans du candidat républicain.
Des pubs très ciblées
Ils ont aussi su utiliser au mieux les outils mis à disposition par Facebook pour que l'impact des publicités soit le plus fort possible. Un message de "l’armée de Jésus" (un autre faux compte russe), qui suggérait en image que Satan soutenait Hillary Clinton, a été promu spécifiquement auprès des utilisateurs américains de Facebook ayant exprimé un intérêt pour les questions de religion. Les publicités pour vanter les mérites des propositions de Donald Trump pour renforcer les frontières apparaissaient davantage dans les États proches du Mexique. Un message d'un faux compte pro-LGBT et pro-Trump a été diffusé uniquement auprès des utilisateurs gays et lesbiens.
Au-delà du contenu même des publicités, les parlementaires ont été choqués par la facilité avec laquelle ces messages ont échappé à la vigilance de Facebook. Tel est, pour Jackie Speier, "le problème des États-Unis" : "Les esprits les plus brillants de la Silicon Valley ont été dupés par la Russie, qui a pu transformer ces plateformes en arme pour fragiliser notre démocratie".