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Après un mois de blocus jihadiste, le Mali connaît une pénurie de carburant
Le Mali commence à être fortement perturbé par la pénurie de carburant causée par le blocus du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, qui bloque depuis le mois de septembre les camions-citernes venant du Sénégal et de la Côte d'Ivoire. Bamako, capitale jadis épargnée grâce à son rang prioritaire dans l'approvisionnement, est désormais touchée comme l'intérieur du pays.
Des véhicules et motocyclistes font la queue pour tenter d'obtenir de l'essence à une station dans la capitale malienne Bamako le 7 octobre 2025. © AFP

Au Mali, chaque entrée dans Bamako de camions-citernes escortés par l'armée est désormais un exploit, conséquence d'un blocus jihadiste en cours depuis un mois sur le carburant importé des pays voisins et dont la pénurie commence à perturber fortement ce pays sahélien enclavé.

Depuis le mois de septembre, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al-Qaïda, s'attaque aux camions-citernes de carburant venant notamment du Sénégal et de la Côte d'Ivoire, par où transite la majorité des biens qu'importe le Mali.

Selon le JNIM, c'est en représailles à l'interdiction par les autorités maliennes de la vente de carburant hors stations en milieu rural, où le carburant est transporté dans des jerricanes pour être vendu ensuite. La mesure avait pour but d'assécher les moyens d'approvisionnement des jihadistes, selon les autorités.

Malgré les escortes de l'armée malienne, plusieurs camions ont été incendiés, des chauffeurs et militaires tués ou enlevés dans des embuscades jihadistes.

Le stock de sécurité "épuisé"

Le JNIM "cherche ainsi à asphyxier (la capitale malienne) Bamako en coupant ses artères logistiques", analysait fin septembre le think tank Timbuktu Institute, basé à Dakar.

Après un mois de blocus jihadiste, le stock de sécurité de l'Office national des produits pétroliers (ONAP), censé couvrir trois jours de consommation nationale, est désormais "épuisé", car déjà injecté dans le circuit de distribution, indique l'organisme à l'AFP. "La semaine dernière, une dizaine de citernes ont été brûlées sur la route de la Côte d'Ivoire. Cela a joué énormément sur nos prévisions. À ce jour, nous n'avons aucune visibilité sur la fin de la pénurie et sur l'approvisionnement correcte du pays", ajoute l'ONAP.

Après un mois de blocus jihadiste, le Mali connaît une pénurie de carburant
Des véhicules et motocyclistes font la queue pour tenter d'obtenir de l'essence à une station dans la capitale malienne Bamako le 7 octobre 2025. © AFP

Bamako, capitale jadis épargnée par la pénurie grâce à son rang prioritaire dans l'approvisionnement, est désormais touchée comme l'intérieur du pays, où la pénurie frappe depuis quelques jours.

"Nous avons clairement fait savoir aux autorités que nous ne pouvons pas garantir la fourniture dans les régions. La priorité c'est vraiment Bamako et les usagers", déclare à l'AFP un responsable du groupement des professionnels du pétrole.

"Le carburant va arriver au compte-goutte"

Depuis lundi, de longues files de voitures et de motocyclistes et des attroupements d'usagers munis de jerricanes sont visibles devant les quelques stations encore ouvertes dans la capitale malienne.

"Hier (lundi), j'ai passé toute l'après-midi dans les files d'attente pour ne rien trouver. Ce matin, je ne peux malheureusement pas sortir pour faire des livraisons", témoigne un conducteur de tricycle.

"Depuis lundi, j'ai eu toutes les difficultés du monde. J'ai dû pousser ma moto du quartier Djicoroni à Badalabougou, environ neuf kilomètres, sans jamais avoir de carburant", explique un autre.

Selon le groupement des professionnels du pétrole, "le carburant va arriver au compte-goutte", car les "citernes ne peuvent prendre le départ que sur autorisation des escortes militaires", non régulières et toujours attaquées.

La pénurie exacerbe les graves coupures d'électricité récurrentes qui plombent l'économie malienne depuis cinq ans, l'énergie du pays étant essentiellement thermique.

De 19 heures par jour, la fourniture d'électricité a été ramenée à six heures par endroit "pour permettre aux pétroliers de servir en premier les stations essence", déclare à l'AFP un responsable de la société Énergie du Mali. "Dans certaines villes de l'intérieur, la fourniture du courant est à l'arrêt, faute de carburant pour nos groupes. À Bamako, nous fournissons du courant seulement 6 heures par jour", ajoute-t-il.

Après un mois de blocus jihadiste, le Mali connaît une pénurie de carburant
Des véhicules font la queue pour tenter d'obtenir de l'essence à une station dans la capitale malienne Bamako le 6 octobre 2025. © AFP

"Nous n'avons pas d'électricité depuis plus de deux semaines à San", affirme un habitant de cette ville au sud-ouest du Mali.

"Mon commerce est en train de mourir"

"Avant, ma glacière restait froide toute la journée. Maintenant, avec les coupures d'électricité qui peuvent durer 20 heures, mon stock de poissons pourrit (...). Mon commerce est en train de mourir", déplore une vendeuse à Mopti (centre).

À Ségou (centre), "pour avoir du carburant, il faut aller faire la queue tôt le matin à six heures pour espérer en avoir à 15 heures", témoigne un habitant.

Le parquet général de la Cour d'appel de Bamako dit avoir constaté que "certains individus mal intentionnés se livrent à des spéculations injustifiées et des surenchères illicites" sur les prix des produits pétroliers, dans un communiqué mercredi soir. Il ordonne à tous les procureurs du pays de "sévir avec la dernière énergie" contre ces pratiques et la "diffusion d'informations tendancieuses" sur la situation.

Après un mois de blocus jihadiste, le Mali connaît une pénurie de carburant
Vue générale le 7 octobre 2025 de bouteilles d'essence vides sur un stand dans la capitale malienne Bamako qui fait face à une pénurie de carburant. © AFP

Depuis lundi, le gaz butane est aussi difficile à obtenir à Bamako, selon des témoignages sur les réseaux sociaux.

Face à la pénurie, la junte - au pouvoir depuis deux coups d'État en 2020 et 2021 - a prolongé mardi des missions d'escorte de camions et de contrôle des prix dans les stations. "Ce n'est que passager, dans les prochains jours la situation s'améliorera", a assuré à la presse Soumaïla Djitteye, directeur général adjoint du Commerce.

Mi-septembre, le Premier ministre malien Abdoulaye Maïga a assuré aux professionnels du pétrole : "Même s'il faut aller chercher le carburant à pied avec des cuillères, nous allons le faire. Nous n'avons pas d'autres choix."

Avec AFP