envoyé spécial à Istanbul – Le Besiktas, qui accueille mercredi Monaco en Ligue des champions, est l'antithèse du club princier : un public bouillant adepte de records de décibels, un club qui se veut celui du peuple face aux élites. À Istanbul, opposition de styles en vue.
"Je n'avais jamais vu une telle atmosphère. Je ne pouvais pas me concentrer sur le match. Je ne me sens toujours pas bien." Le 26 septembre dernier, plus d'une heure après avoir quitté prématurément la pelouse du Vodafone Park, l'international allemand Timo Werner ne s'en remet toujours pas. Sorti à la 32e minute, il n'a participé qu'une petite demi-heure à la défaite du RB Leipzig face au Besiktas JK (2-0), l'un des trois clubs phares de la métropole turque Istanbul. Werner a abdiqué sur un autre terrain, celui de la santé. Après avoir initialement demandé des bouchons d'oreille à son staff médical, il a dû quitter le jeu, incapable de poursuivre en raison de vertiges : une conséquence directe des chants assourdissants du Çarşı, le kop stambouliote, réputé pour être un des plus bruyants d’Europe.
THIS IS BESIKTAS!
Timo Werner was substituted against Besiktas because the fans were too loud & made him dizzy. ???? pic.twitter.com/EDsS3huyig
S'il est une ville où le rôle de 12e homme est pris à cœur par les fans de foot, c'est incontestablement Istanbul : Galatasaray AS, Fenerbahçe SK ou Besiktas JK, trois clubs qui suscitent une passion sans commune mesure avec les standards d'Europe de l'Ouest. Et si tous les joueurs qui foulent les pelouses de la métropole du Bosphore ne terminent pas à l'infirmerie comme Werner, force est de constater que cette ferveur a un réel impact sur le déroulement des rencontres : le Besiktas, notamment, n'a plus connu la défaite à domicile depuis 32 matches en championnat turc, une série dont les prémisses remontent à novembre 2015. En Europe aussi, l'antre du club turc est une forteresse : quatre succès de rang et un seul revers sur les 18 dernières joutes continentales.
Plus de 140 décibels, un décollage d'avion dans les travées
Même le "déménagement" du club, qui a vu son stade historique du BJK Inonu s'effacer en 2015 pour laisser place au moderne Vodafone Park, n'a pas entamé la passion des fans, à tel point qu'ils ont annoncé vouloir mettre à mal le record du monde de décibels qu'ils ont établi en 2013. D'après le relevé du Guiness Book , les chants du kop du Besiktas avaient alors atteint 141 décibels, au-delà du bruit d'un avion de ligne au décollage. Une marque qui pourrait tomber dès mercredi si le club, leader du groupe G avec un sans-faute après trois journées, parvient à décrocher la première qualification de son histoire pour les huitièmes de finale de la C1.
Et c'est justement sur le tarmac de cet impressionnant théâtre que l'AS Monaco a rendez-vous, mercredi 1er octobre. Spectateurs face à des Turcs plus entreprenants à Louis-II il y a deux semaines (1-2), les Monégasques sont dos au mur. Au Vodafone Park, Monaco ne pourra cette fois pas se cacher derrière l'ambiance feutrée d'un stade à moitié vide pour justifier son manque de concentration. Dès l'entame du match, les Monégasques seront mis dans le bain, comme le confiait récemment au magazine So Foot l'ancien joueur Édouard Cissé, qui a porté le maillot des deux clubs au cours de sa carrière : "Il y a une coutume là-bas au moment de l’engagement : ils comptent jusqu’à trois, puis silence dans le stade pendant 30 secondes et là, ça explose. Ils chantent pendant cinq minutes non stop. […] Et pour peu qu’il y ait un but pendant ces cinq minutes, c’est fini, tu ne les arrêtes plus."
Pour Monaco, un miracle ou rien... sans Falcao
C'est dans cette ambiance clairement hostile que le club du Rocher devra aller chercher l'exploit : car s'il veut continuer à rêver d'un printemps en Ligue des champions, il faudra gagner. Tout autre résultat qu'une victoire viendrait condamner les espoirs des hommes de Jardim, qui ne comptent qu'un petit point après trois rencontres.
Et du côté de la Principauté, les espoirs sont très minces. Fortement remanié à l'intersaison, l'effectif monégasque n'a plus rien du rouleau compresseur qui avait brillamment atteint les demi-finales de la C1 précédente, il y a à peine six mois. Le champion de France en titre, deuxième de Ligue 1, restait sur une série de quatre matches sans victoire avant de se rassurer face à Caen, le week-end passé (2-0). En Europe, alors qu'il avait réussi à atteindre les 8e de finale des quatre dernières éditions de la Ligue des champions, il est aujourd'hui au bord du gouffre. Tenu en échec par le RB Leipzig (1-1), balayé à domicile par Porto (0-3) puis puni par Besiktas (1-2), Monaco doit s'en remettre à un miracle.
Et comme si l'équation n'était pas assez compliquée, il devra réaliser l'improbable sans son sauveur maison. Blessé, le Colombien Radamel Falcao (16 buts en 17 matches cette saison) a déclaré forfait pour la rencontre, tout comme le latéral français Djibril Sidibé. Des absences qui ne manqueront pas de peser un peu plus dans une balance déjà loin de l'équilibre.