
Les avocats d'Abdelkader Merah, le frère du tueur de Toulouse et Montauban, ont demandé mardi l'acquittement de leur client, contre lequel le ministère public a requis la réclusion à perpétuité.
"N'en faites pas un symbole du terrorisme !" : les avocats d'Abdelkader Merah ont plaidé, mardi 31 octobre, devant la cour d'assises de Paris, l'acquittement de leur client, accusé de complicité dans les crimes de son frère Mohamed, au nom du respect du droit.
À la fin de la dernière journée du procès Merah, entièrement consacrée aux plaidoiries de la défense, Me Eric Dupont-Moretti a lancé : "Si vous condamnez Abdelkader Merah, vous aurez jugé sans doute mais vous n'aurez pas rendu justice. La justice sera morte ou bien gravement blessée car nous nous serons couchés".
"J'affirme que si Abdelkader Merah est ici, c'est parce que son frère est mort et que si Mohamed Merah avait été vivant, il serait seul dans le box", avait auparavant lancé le ténor du barreau pointant deux écueils pour les magistrats : "le chagrin des victimes qui emporte tout sur son passage" et "l'opinion publique, cette prostituée qui tire le juge par la manche".
"Les victimes et l'opinion publique attendent votre décision mais vous allez rendre une décision juridique. Elle est attendue par la communauté des juristes car elle va définir la limite à ne pas franchir", a expliqué à la cour Me Archibald Celeyron, premier des trois avocats d'Abdelkader Merah à plaider. "On n'attend pas de votre décision qu'elle lave le sang ou sèche les larmes (...) vous allez rendre justice, appliquer le droit dans le respect de nos règles, de la sécurité juridique des décisions. Et, parce que vous appliquerez le droit, vous allez acquitter Abdelkader Merah", a-t-il lancé.
"Nous vous demandons d'acquitter Abdelkader Merah même si nous sommes conscients que pour les victimes et l'opinion publique cela serait insupportable", a abondé son confrère Antoine Vey, autre avocat de Merah. "Je sais que nous avons pour nous le droit. N'en faites pas un symbole du terrorisme, faites-en un symbole de notre justice", a-t-il lancé, entraînant des grognements sourds dans la salle.
Les deux avocats, collaborateurs et associés du ténor du barreau Me Eric Dupont-Moretti, avaient auparavant passer en revue l'ensemble des éléments à charge du dossier en concluant à l'absence de preuves pour les accusations portées par le ministère public.
"On ne condamne pas sur un faisceau d'indices, sur un sentiment"
L'avocate générale Naïma Rudloff a requis lundi la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans contre Abdelkader Merah et 20 ans de réclusion criminelle assortie d'une peine de sûreté des deux tiers contre Fettah Malki, petit délinquant ami de Mohamed Merah.
Abdelkader Merah, 35 ans, est accusé d'avoir "sciemment" facilité "la préparation" des crimes de son frère en l'aidant à dérober un scooter et à acheter un blouson utilisés lors des tueries. Il est également accusé d'avoir participé "à un groupement criminel affilié à Al-Qaïda prônant un islamisme jihadiste (...) en appliquant à lui-même et à son frère Mohamed les recommandations de cette organisation".
La justice reproche à Fettah Malki, 34 ans, d'avoir fourni à Mohamed Merah un gilet pare-balles, un pistolet-mitrailleur et des munitions utilisés par le tueur.
Entre le 11 et le 19 mars 2012, Mohamed Merah a assassiné sept personnes à Toulouse et Montauban, avant d'être abattu le 22 mars.
"Ce procès a déchaîné toutes les passions. Certains avocats ont même traité l'accusé de 'monstre', de 'bête', cette déshumanisation n'était-elle pas la rhétorique des camps de la mort ?", a dénoncé Me Antoine Vey, rappelant que "la force, si elle n'est pas appliquée par le droit est source d'injustice".
Sur l'engagement islamiste d'Abdelkader Merah, "on a tout avancé, les frères Clain (voix des revendications des attentats du 13 novembre à Paris), des jihadistes de toutes natures, mais rien n'a été démontré. Où sont ces partenaires de l'association de malfaiteurs terroriste, pas dans le box en tout cas. On ne condamne pas sur un faisceau d'indices, sur un sentiment", a-t-il lancé.
Auparavant, l'un des avocats de Fettah Malki, Me Édouard Martial, avait appelé la cour à juger son client "juste pour ce qu'il est et ce qu'il a fait". Et surtout, à ne pas le condamner pour une "potentialité terroriste" avancée "sans preuve" par l'avocate générale pour qui "seule l'opinion publique compte".
"Avez-vous apporté la preuve qu'il était au courant des intentions criminelles de Merah ? Non. Mon client n'appartient pas à ce monde-là", a-t-il affirmé.
Premier avocat de Malki à plaider, Me Christian Etelin avait appelé la cour à résister à la "pression sociale et politique". "Il ne s'agit pas de juger Mohamed Merah à travers ceux qui sont dans le box aujourd'hui mais de trouver une solution proportionnée à ce qui doit être réellement jugé", avait-il dit.
(AFP)