
Malgré les importants revers de l’organisation État islamique en Irak et en Syrie, les groupes terroristes qui lui sont affiliés gardent une emprise territoriale en Afrique et en Asie.
Avec la perte de sa capitale historique, Raqqa, reprise mardi 17 octobre par les Forces démocratiques syriennes, l’organisation État islamique (EI) a essuyé un revers de taille. Le groupe terroriste a perdu près de 90 % du territoire détenu à son apogée en Irak et en Syrie. Pour autant, l'organisation est loin d'être défaite. De l’Afghanistan à la Libye, en passant par le Yémen, elle reste présente dans une dizaine de pays où elle s’appuie sur l’allégeance de groupes jihadistes déjà existants. Elle mise aussi sur son développement dans de nouveaux territoires, notamment en Asie du Sud-Est.
Philippine et Indonésie : les bombes à retardement
L’Asie du Sud-Est est confrontée à la menace du retour des centaines de militants indonésiens et philippins partis remplir les rangs de l’EI en Irak et en Syrie. La menace est sérieuse car l'EI peut s'appuyer sur des réseaux islamiques implantés depuis longtemps dans la région, comme aux Philippines avec la faction d’ Abou Sayyaf .
Dans la ville de Marawi, située sur une île du sud de l'archipel philippin, près d’un millier de jihadistes liés à Abou Sayyaf, parmi lesquels des Philippins mais aussi des étrangers venus de Malaisie, d'Indonésie et même de Tchétchénie, combattent l’armée philippine depuis près de cinq mois pour tenter de créer un "califat" avec des tactiques de combat de guérillas urbaines apprises au Moyen-Orient.
Afghanistan : l’EI gagne du terrain
La présence de l’EI s’est accrue depuis 2015 avec le ralliement d'anciens Taliban afghans et pakistanais et de groupes islamistes locaux. Initialement implanté dans l’est de l’Afghanistan, l’EI a ainsi gagné du terrain dans le Nord, en particulier le long de la frontière avec l’Ouzbékistan depuis l’hiver 2016. Ils seraient désormais entre 600 et 800 combattants , d’après l’état-major américain en Afghanistan.
Libye : des combattants issus des pays voisins
Depuis la chute de l'ex-dictateur Mouammar Kadhafi, l’EI a profité des divisions politiques entre le gouvernement d'union nationale (GNA) et les autorités dépendant du maréchal Haftar pour s’implanter à Syrte en juin 2015. Le groupe terroriste, délogé de la ville en septembre 2016 par le GNA avec un soutien aérien des États-Unis, s’est réorganisé depuis pour se redéployer à l’Ouest, à proximité de Misrata.
D’après le procureur général libyen, Al-Seddik al-Sour, qui a délivré fin septembre 830 mandats d'arrêt contre des membres présumés de l’EI, les principaux dirigeants du groupe en Libye sont de nationalité libyenne mais l’organisation recrute ses combattants dans les pays voisins : Tunisie, Égypte et Soudan.
Tunisie : fournisseur de jihadistes
La Tunisie, qui fait figure de plus gros exportateur mondial de jihadistes avec près de 5 500 ressortissants partis se battre sur divers fronts étrangers (chiffres de l’ONU en 2015), va devoir faire face au retour de ceux qui ont survécu. Plusieurs repaires montagneux reculés du centre-ouest du pays (monts Chaambi, Semmama, Selloum ou Mghila) constituent des poches de résistance jihadiste. Elles sont régulièrement le théâtre d'opérations militaires, sans que Tunis ne parvienne totalement à les déloger.
Sinaï : une “province de l’EI" ?
Le groupe islamiste Ansar Beït al-Maqdess, qui sévit dans le Sinaï, a annoncé son allégeance à l’EI en janvier 2014, avant de devenir officiellement l’une de ses provinces, quelques mois plus tard. Il compterait entre 1 000 et 2 000 hommes ; leurs attaques ciblent Israël et les forces armées égyptiennes.
Des images publiées sur les réseaux sociaux datant de septembre 2017 et authentifiées par Wassim Nasr, journaliste de France 24 spécialisé dans l’étude des réseaux jihadistes, montrent des membres de l’EI effectuant des tâches administratives dans le Sinaï. Ils sont notamment postés à des check-points dans le Sinaï.
#Égypte l'#EI #Sinaï diffuse des photos de checkpoint/distribution de tracts en ville pr "repentance des espions" & exécutions pic.twitter.com/gvjBh2VJ0O
Wassim Nasr (@SimNasr) 26 septembre 2017Boko Haram : l’extension africaine
La secte islamiste Boko Haram, qui sévit dans la région du lac Tchad (Nigeria, Tchad, Cameroun, Niger) a prêté allégeance à l’EI en mars 2015. En août 2016, l’organisation mère a propulsé à la tête de Boko Haram un nouveau chef, Abou Musab Al Barnaoui, engendrant une scission au sein de la secte. L’affiliation de Boko Haram à l’EI témoigne de la volonté de l’organisation terroriste internationale de s’étendre en Afrique de l’Ouest, où elle se heurte à la concurrence de sa rivale Al-Qaïda, implantée au Sahel.
Yémen : la concurrence avec Al-Qaïda
L’EI a tiré parti de la guerre civile opposant les rebelles chiites houthis aux forces gouvernementales yéménites pour étendre son influence dans le sud et le sud-est du Yémen. En concurrence avec Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (AQPA), les combattants de l’EI ont gagné du terrain depuis 2016, notamment dans la province de Baïda, au centre-ouest du pays. Pour la première fois, l’armée américaine les a directement ciblés le 16 octobre dans un raid contre deux de leurs camps.
Avec AFP