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Législatives en Autriche : Sebastian Kurz, la cure de jouvence des conservateurs

Après une présidentielle à rebondissements en 2016, les Autrichiens retournent aux urnes dimanche, pour des législatives anticipées. Ils pourraient porter à la chancellerie le jeune Sebastian Kurz, artisan d'une droitisation de la politique du pays.

"Il est temps". "Un nouveau style". Les affiches de campagne de Sebastian Kurz donnent le ton : faites place, un chancelier moderne arrive. À 31 ans seulement, l’étoile montante de la politique autrichienne est tout près du but : lors des législatives anticipées du dimanche 15 octobre, il a toutes les chances d’être propulsé chancelier d’Autriche, et plus jeune chef de gouvernement d’Europe.

Les derniers sondages donnent les conservateurs de la "Liste Kurz" en tête, à plus de 32 % des voix, tandis que les sociaux-démocrates et l’extrême droite se disputent la 2e place, à environ 25 % des intentions de vote.

Ce Viennois au look de gendre idéal, sourire étincelant et cheveux gominés, aspire à renouveler la politique autrichienne, dominée depuis l’après-guerre par deux grands partis, le SPÖ social-démocrate et l’ÖVP conservateur. Issu des rangs de ce dernier – il en a pris la tête en mai dernier –, Sebastian Kurz s’est efforcé de s’en distancier lors de la campagne : ç’en est fini du sévère noir, couleur traditionnelle du parti, remplacé par un turquoise fringant. Exit aussi le nom du parti : les trois lettres ÖVP n’apparaissent plus sur les affiches, seul figure le nom de la liste pour cette élection à la proportionnelle, la "Liste Kurz".

Denn, wo ein Wille, da ein Weg. Packen wir's an. Es ist Zeit. #kurz2017 #esgehtlos #aufbruch #auftakt 3/3 pic.twitter.com/QBh4ToRIwT

  Sebastian Kurz (@sebastiankurz) 23 septembre 2017

Le Macron autrichien ?

Une liste paritaire qui inclut des noms de la société civile. Si cette méthode porte ses fruits, c’est que le positionnement de Sebastian Kurz a fait mouche. "Il s’agit de donner une nouvelle orientation à la politique autrichienne. Le thème [de la campagne électorale], c’est le changement", analyse pour France 24 Werner Beutelmeyer, qui dirige l’institut de sondages Market. Les Autrichiens veulent "du mouvement dans le paysage politique", détaille-t-il à France 24.

Précocité, codes bouleversés, il n’en faut pas moins pour que d’aucuns fassent la comparaison avec un certain président français. Pour autant, il n’y a guère que la trentaine et les costumes bien coupés qui les rapprochent. Car si Emmanuel Macron a su s’affranchir du Parti socialiste, qui lui a mis le pied à l’étrier en politique, Sebastian Kurz dépend encore largement de l’ÖVP. "Le parti est toujours là, il apporte le financement, l’organisation…", explique à France 24 Sylvia Kritzinger, professeure de sciences politiques à l’université de Vienne, qui prédit : "Il réapparaîtra dès le 16 octobre [le lendemain de l’élection]".

Mais surtout, "Sebastian Kurz n’est pas un nouveau visage. Il a réussi à se présenter ainsi, mais ce n’est pas le cas", souligne la politologue. Car la politique, c’est une véritable vocation pour ce jeune homme charismatique : président des Jeunes conservateurs de Vienne en 2008, d’Autriche en 2009, il est élu local dans la capitale en 2010 avant d’être nommé en juin 2011, à l’âge de 24 ans, secrétaire d’État à l’Intégration. Trois ans plus tard, il devient ministre des Affaires étrangères et côtoie avec aplomb John Kerry, Sergueï Lavrov et Mohammad Javad Zarif. Pour le "Wunderwuzzi" ("enfant prodige"), une ascension éclair qui ne lui laisse pas le temps de terminer ses études de droit.

Cette vidéo de campagne vise à souligner la stature d'homme d'État de Sebastian Kurz

Sur le fond aussi, Kurz diverge de Macron l’Européen. S’il n’est pas eurosceptique, il voit d’un mauvais œil une centralisation de la politique européenne. Il est l’un des premiers à avoir critiqué la politique d’ouverture aux migrants d’Angela Merkel en 2015 et 2016. Il se targue d’avoir fait fermer la "route des Balkans" et milite pour la fin des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Des positions qui le rapprochent plus de la droite, voire de l’extrême droite – sur le plan intérieur aussi. "Il y a toujours plus d’immigration dans notre État social. Un État social comme l’Autriche ne peut fonctionner que s’il y a assez de gens qui cotisent et pas trop de gens qui en profitent", déclare-t-il lors d’un meeting de campagne.

Virage à droite

Une argumentation si proche du parti d’extrême droite FPÖ que son dirigeant, Heinz-Christian Strache, ne peut que railler le manque d’originalité de son adversaire. En ne laissant pas le monopole du discours sur le thème de l’immigration, Sebastian Kurz a sans aucun doute marqué des points, dans un pays qui a accueilli près de 150 000 demandeurs d'asile depuis 2015. "C’est une thématique qui préoccupe beaucoup les électeurs, et il a mené une campagne brillante sur le plan rhétorique", note Sylvia Kritzinger. Et tout est dans le style, ajoute Werner Beutelmeyer : "Kurz a repris les thèses du FPÖ, mais il est si jeune, au-delà de tout soupçon, il est si éloigné du nationalisme, qu’il en a une plus grande crédibilité".

Sebastian Kurz a grandi à Meidling, un quartier populaire de Vienne, il a côtoyé sur les bancs de l’école de nombreux immigrés et réfugiés, notamment de l’ex-Yougoslavie qui s’est effondrée lorsqu’il était en primaire. Ce fils d’une enseignante et d’un technicien a, lors de ses débuts gouvernementaux à l’Intégration, a insisté sur la "culture de l’accueil" que l’Autriche se devait de mettre en œuvre.

Aujourd’hui, cette "Willkommenskultur" a été reléguée et l'extrême droite apparaît comme un très probable partenaire de coalition, plus que le SPÖ avec lequel l’ÖVP gouvernait jusqu’à présent. Sous Sebastian Kurz, le FPÖ pourrait donc bien revenir au gouvernement autrichien, et les sondages ne sont pas les seuls à le suggérer : parmi ceux à qui Sebastian Kurz prête l'oreille figure Wolfgang Schüssel, l’ancien chancelier qui avait, entre 2000 et 2007, gouverné avec… le FPÖ de Jörg Haider.