Le premier budget présenté, mercredi, par le gouvernement français contient des mesures en faveur des détenteurs de patrimoine financier. Une manière de les inciter à investir dans l’économie française.
“Moins de dépenses et moins de déficit”, avait promis le gouvernement français avant la présentation du projet de loi de finances 2018, mercredi 27 septembre. Il aurait pu ajouter : "un important coup de pouce fiscal aux riches détenteurs de capital".
La disparition de l’impôt sur la fortune (ISF), au profit d’un impôt sur la fortune immobilière (ISI), et l’application d’un prélèvement forfaitaire de 30 % sur les revenus du capital (dont la taxation pouvait atteindre 60 % auparavant) vont bénéficier uniquement aux Français les plus aisés.
Budget pour actionnaires et investisseurs
À elles seules, ces deux mesures représentent 4,5 milliards d’euros de baisses d’impôt pour cette catégorie de contribuables. En valeur absolue, les ménages plus modestes et les classes moyennes reçoivent également beaucoup. La baisse de 30 % de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, la revalorisation à la hausse de la prime d’activité, ou encore l’allocation adulte handicapée sont autant de coups de pouce qui, en années fiscales pleines, entraînent des économies de plus de 5 milliards d’euros.
Les chiffres sont donc proches mais les milliards d’euros d’économies pour les plus riches seront répartis entre quelques centaines de milliers de personnes seulement, alors que les baisses pour les plus modestes concernent 80 % des contribuables. En outre, les plus fortunés bénéficieront des changements dès le vote du budget, tandis que les mesures pour les plus modestes seront appliquées de manière progressive.
Ces économies sont, en outre, financées en tapant davantage dans le portefeuille des moins riches. L’augmentation du prix du tabac est traditionnellement ressentie plus douloureusement par les classes populaires. Idem pour la hausse de la fiscalité écologique qui “est un peu comme la TVA en ce sens que son impact se ressent davantage sur le budget des foyers plus modestes”, explique Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), contacté par France 24.
“C’est clairement un budget favorable aux détenteurs de patrimoine financier, comme les actionnaires”, tranche l’économiste. Le gouvernement d’Édouard Philippe semble vouloir dire “qu’il fait de nouveau bon vivre en France lorsqu’on est riche”, juge Jean-Charles Simon, économiste et président du cabinet Stacian, interrogé par Europe 1.
Pari risqué
Emmanuel Macron fait un pari : l’argent que les très riches vont pouvoir épargner grâce aux nouvelles mesures sera réinvesti dans l’économie. Ce projet de loi de finances vise “à rendre la France plus compétitive et attractive pour les investisseurs”, estime Mathieu Plane. Plus précisément, l’exécutif français espère que les fonds iront financer des start-up. “Il n’y a, en effet, pas de problème d’investissement en France sauf pour ce qui est des investissements risqués dans la technologie”, rappelle l’économiste français.
La fin de l’ISF et le prélèvement forfaitaire sur les revenus du capital sont censés participer au développement de la French Tech. Mais le pari est risqué. “Rien n’oblige les détenteurs de capital à investir, et s’ils ne le font pas, le gouvernement leur aura tout simplement fait un important chèque”, prévient Mathieu Plane.
Politiquement, l’effet risquerait d’être désastreux pour le président qui a fait campagne en promettant un équilibre entre la droite et la gauche. ”Ce projet de budget est économiquement libéral et ne s’inscrit pas dans une logique de redistribution des richesses”, résume l’économiste français. Mais ce n’est que le premier budget de l’ère Macron, rappelle-t-il. Le président peut avoir voulu envoyer un signal fort et clair aux investisseurs dès le début de son mandat, quitte à rectifier le tir par la suite, grâce à des mesures plus généreuses pour les ménages modestes. Sauf à vouloir apparaître uniquement comme le président des riches.