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Cyclone Chido : adoption par le Parlement du projet de loi pour "refonder Mayotte"
Le Sénat a adopté jeudi le projet de loi pour "refonder Mayotte", sept mois après le passage du cyclone sur l'île française. Si la droite et l'extrême droite soutiennent ce texte qui contient notamment le recensement exhaustif de la population, la gauche s'est abstenue ou opposée, pointant du doigt une "obsession" pour l'immigration.
Les destructions provoquées par le passage du cyclone Chido à Vahibe, près de Mamoudzou, le 24 décembre 2024 à Mayotte en France. © Patrick Meinhardt, AFP/Archives

Le Parlement a définitivement adopté le projet de loi pour "refonder Mayotte", jeudi 10 juillet au Sénat. Le texte a pu aboutir grâce à 228 voix favorables contre 16 opposées. Le président de la République doit désormais le promulguer.

Cette "loi-programme" intervient sept mois après le passage du cyclone Chido dans le département le plus pauvre de France, déjà confronté à d'immenses défis avant ce drame.

Elle décline notamment 4 milliards d'euros d'investissements publics sur six ans et inscrit pour la première fois dans la loi la convergence sociale, c'est-à-dire l'alignement des droits sociaux avec les montants de l'Hexagone, avec pour horizon 2031.

Lutte contre l'habitat illégal

À Mayotte, 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté national, et le RSA, par exemple, y est encore deux fois plus bas.

Cyclone Chido : adoption par le Parlement du projet de loi pour "refonder Mayotte"
Le ministre des Outre-mer Manule Valls en visite à Mayotte en France dans la commune de Tsingoni, le 21 avril 2025. © Ludovic Marin, AFP

Dernier texte de loi à passer les griffes du Parlement avant la pause estivale, il vient clore une session parlementaire extraordinaire assez fructueuse pour le gouvernement, qui aura réussi à faire aboutir plusieurs textes malgré son absence de majorité à l'Assemblée nationale.

Cette loi pour "refonder Mayotte", fruit d'un compromis entre députés et sénateurs, avait été validée mercredi par les députés, avec le soutien de la coalition gouvernementale et de l'extrême droite. Le Rassemblement national, très mobilisé durant les débats, a même revendiqué "une victoire politique".

Mais la gauche, à l'Assemblée comme au Sénat, s'est partagée entre opposition et abstention, mettant notamment en cause "l'obsession" du projet de loi pour l'immigration, ont accusé plusieurs parlementaires.

Le texte s'attaque en effet à deux "fléaux", la lutte contre l'immigration clandestine et l'habitat illégal, "sans quoi" Mayotte risque d'être reconstruite sur du "sable", selon les mots de Manuel Valls.

Il prévoit notamment de durcir les conditions d'obtention d'un titre de séjour alors que près de la moitié de la population y est étrangère. Plusieurs dispositions permettent de faciliter la destruction des bidonvilles, alors qu'un tiers de l'habitat est informel.

Cyclone Chido : adoption par le Parlement du projet de loi pour "refonder Mayotte"
Les destructions après le passage du cyclone Chido dans le bidonville de Cavani, à Mamoudzou, sur l'île de Mayotte en France, le 2 janvier 2025. © Julien de Rosa, AFP/Archives

Une mesure permet par exemple de déroger à l'obligation d'une offre de relogement au moment d'une évacuation.

"À Mayotte, le droit commun ne s'applique plus. C'est devenu un laboratoire sécuritaire où l'on teste des lois que l'on n'oserait jamais appliquer ailleurs en France", s'est indignée la sénatrice écologiste Antoinette Guhl.

Recensement exhaustif dès 2025

Le projet de loi prévoit en outre plusieurs mesures très attendues sur l'archipel.

D'abord, la suppression d'ici 2030 du visa territorialisé, qui empêche un détenteur d'un titre de séjour mahorais de venir dans l'Hexagone. Les Mahorais y voient une injustice et un manque de solidarité de la France métropolitaine face à l'afflux massif d'immigrés clandestins venus notamment des Comores voisines.

Le recensement exhaustif de la population à Mayotte dès 2025 est aussi inscrit dans la loi. Depuis des années, les élus locaux affirment que la population est sous-estimée avec pour conséquence des collectivités moins bien dotées qu'elles ne devraient l'être et des services publics saturés.

Autre victoire pour les élus mahorais, la suppression de l'article facilitant les expropriations pour permettre la construction d'infrastructures dites essentielles. Cette mesure, ardemment défendue par le gouvernement et initialement votée par le Sénat, a provoqué une levée de boucliers sur l'archipel, les Mahorais s'inquiétant d'une mainmise de l'État sur le foncier.

"Inédit", "massif", "historique", les adjectifs laudateurs du gouvernement pour qualifier le texte ne manquent pas. Mais pour certains parlementaires, il passe à côté de nombreux enjeux de développement, notamment sur l'eau, la transition écologique et la santé.

La députée mahoraise Anchya Bamana, qui siège au groupe RN, a par exemple rappelé que Mayotte vit toujours sous le régime des coupures d'eau, avant de lancer: "Comment justifier 1 milliard pour se baigner dans la Seine? Mais rien pour répondre à l'urgence de l'accès à l'eau potable pour les Mahorais".

Avec AFP