Au lendemain de sa réélection, le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, annonce des négociations avec le gouvernement de Bagdad. Le Parlement a approuvé la création de la Compagnie pétrolière nationale (NOC).
"Kirkouk, c’est un chameau qui transporte l'argent et l'or sur son dos alors qu’il se nourrit des rares herbes sèches du désert". A l’instar de nombreux Kurdes irakiens, l’élu local Mohammed al-Jubouri pense que le pétrole est davantage une source de problèmes que de richesses.
De fait, Kirkouk, l'une des plus grandes villes du Kurdistan irakien, est assise sur d’immenses réserves de pétrole d’une valeur de plusieurs milliards de dollars et qui représenteraient 13 % des ressources d’or noir du pays. Aussi la question du pétrole complique-t-elle sérieusement les relations avec le gouvernement central irakien. L’avenir de Kirkouk et ses champs de pétrole dépend étroitement des négociations menées par le président kurde Massoud Barzani et Bagdad.
Preuve de ces tensions, le gouvernement irakien a limogé, le 30 juillet, le directeur général de la South Oil Company pour s'être opposé publiquement à la mainmise étrangère sur ses champs pétrolifères. Fayyad Hassan Nima avait mené une campagne contre l'octroi de contrats aux compagnies étrangères pour l'exploitation de ces gisements, mis aux enchères fin juin.
Ouverture de négociations
La réélection avec 57,34 % des voix, la veille, du président de la région autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, pourrait changer l'avenir du pétrole kurde. À peine réinvestit, il a annoncé l'ouverture prochaine de négociations avec le gouvernement de Bagdad, afin de "régler tous les problèmes" et éviter un conflit armé entre Arabes et Kurdes.
Lors de ce scrutin, l'alliance des formations historiques, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), ont obtenu la majorité absolue au Parlement régional. Les deux partis souhaiteraient que Kirkouk bénéficie de la même autonomie dont jouit le reste de la région kurde. La ville et ses réserves pétrolières sont actuellement administrées par le gouvernement central de Bagdad, peu enclin à changer cette organisation. Face à cette alliance, une véritable force d'opposition - une première en Irak - avec les dissidents Goran de Noucherwan Moustapha, comptant 23,57% des voix.
Le jour même de l'annonce des résultats, le Parlement a dessiné l'avenir du pétrole irakien, en approuvant un projet de loi destiné à la mise en place d'une nouvelle Compagnie pétrolière nationale (NOC). Sur un principe qui rappelle fortement la compagnie nationale intégrée en 1987 par le ministère du Pétrole, la NOC ne sera pas opérationnelle avant que la législation sur la répartition des richesses énergétiques du pays ne soit également adoptée. Elle sera chargée de la stratégie d'exploitation aux niveaux régional et national.
La législation sur le pétrole en stand-by
Pour l’historien français Edouard Méténier, interrogé par FRANCE 24, il ne faut pas attendre des responsables politiques kurdes qu’ils revoient leurs ambitions à la baisse. “Ils réclament l’autonomie de Kirkouk depuis 2003 et lorgnent maintenant d’autres régions, comme celle de Mossoul au nord du pays et Khanaqin à l'Est", explique-t-il, prévenant que ces revendications "ont provoqué des tensions avec le gouvernement irakien et ses militaires".
Quant à la manne pétrolière kurde, les négociations sur une réglementation de sa redistribution sont, à l’heure actuelle, dans l’impasse. "Un projet est dans les tuyaux, mais il est inenvisageable de voir un accord se dégager avant 2010 en raison du contexte électoral et des divisions au sommet de compagnies pétrolières d’État", explique Didier Houssin de l’Agence internationale de l’énergie.
Pour ne rien arranger, le gouvernement autonome a d’ores et déjà signé une trentaine de contrats avec des compagnies étrangères, provoquant l’ire de Bagdad, qui les juge illégaux.
Les majors occidentales boudées
De son côté, Bagdad, qui souhaite augmenter sa production de brut estimée à 2,4 millions de barils par jour, cherche également à travailler avec les compagnies étrangères. Mais les relations ne sont pas au beau fixe. Ces dernières, qui reprochent aux autorités irakiennes leur intransigeance, ont claqué la porte des enchères portant sur l’exploitation de champs pétroliers et gaziers le 30 juin dernier.
Seul un accord a été signé avec le britannique British Petrolium (BP) et son partenaire chinois National Petroleum Corporation (CNPC), afin de développer le deuxième plus grand champ pétrolifère du pays, Rumaila, sous des conditions d'exploitation déjà difficiles. BP et CNPC seront payés deux dollars par baril extrait de Rumaila. Ils ont également promis d'augmenter la production d'un million de baril quotidien à 2,85 barils par jour, dans les six ans.
"Les ouvriers [de la compagnie pétrolière irakienne] ont publiquement déclaré qu'[un accord avec une entreprise étrangère] n'était pas nécessaire à Rumaila", affirme à FRANCE 24 Francis Perrin du Centre arabe de recherche sur le pétrole, basé à Paris. BP n'entre pas dans un territoire allié, personne ne va les accueillir avec le tapis rouge."
Pourtant, alors que le déficit du budget irakien dépasse les 18 milliards de dollars, selon le "Los Angeles Times", Bagdad n’a d’autres choix que de trouver des partenaires pour augmenter sa production de brut.