
Syrie – Dans la nuit du 7 au 8 décembre, le régime de Bachar al-Assad a été renversé par une offensive menée par des rebelles dirigés par le groupe islamique Hayat Tahrir al-Cham (HTC). Des images montrant des combattants de HTC avec une bannière associée au groupe jihadiste État islamique (EI) ont suscité des spéculations sur une éventuelle affiliation entre HTC et l'EI. Or, cette bannière, utilisée dans divers contextes djihadistes, ne constitue pas une preuve d’affiliation. Deux experts décryptent cette confusion.
"Le drapeau de l’EI fait son apparition parmi les militants du HTC", écrit le journaliste kurde Jamal Balî dans une publication sur X (archive ici). De son côté, Ernesto Melendez, un utilisateur de X vénézuélien, s’interroge : "Certains se réjouissent-ils vraiment de voir le groupe terroriste Hayat Tahrir al-Cham (HTC), une faction liée à l’État islamique, prendre le pouvoir en Syrie ?".
Pourtant si cette bannière est bel et bien utilisée par l’État islamique, l’organisation n’en est pas à l’origine et n’en a pas l’exclusivité comme l’explique Wassim Nasr, journaliste France 24, spécialiste des mouvements jihadistes.
“Ce n’est pas un drapeau de l’État islamique. L’État islamique n’a pas de drapeau. C'est une bannière qui représente le sceau du prophète. Cette bannière noire avec un sceau blanc dessus est utilisée par l’État islamique, par Al-Qaida et par d’autres groupes différents, certes islamistes, mais quand on voit ce sceau du prophète ça ne va pas dire que la personne appartient à l’État islamique ou à Al-Qaida."
Deux organisations djihadistes rivales
Thomas Pierret, chargé de recherches au CNRS-IREMAM (Institut de Recherches et d’Études sur les Mondes Arabes et Musulmans) et spécialiste de la Syrie, partage le même constat. Il explique : “La confusion vient du fait que ce n’est pas un symbole qui est l’exclusivité de l’État islamique. C’est le sceau du prophète. C'est un symbole qui circulait déjà, qui est assez répandu dans ces milieux-là.(...) J’imagine bien que si je suis un chrétien d’Alep et que je vois quelqu'un débarquer dans mon quartier avec cet écusson, c’est normal de ne pas être rassuré. Mais je n’imagine pas HTC tolérer dans ses rangs des gens qui auraient des sympathies ouvertes pour l’État islamique, qui est un ennemi de HTC.” Il souligne ainsi que bien qu’ils partagent une origine idéologique djihadiste, HTC et l’EI entretiennent des relations marquées par une hostilité historique rendant inenvisageable toute affiliation.
La confusion entre ces deux groupes, parfois alimentée par des symboles communs (comme la bannière noire), reflète alors davantage une convergence visuelle qu’une sympathie réelle ou une affiliation directe entre l’EI et le HTC.
