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Crises économique, sécuritaire et politique : Buhari sous pression au Nigeria

À peine rentré au Nigeria après trois mois d’absence pour raisons médicales, le président Buhari a annulé un conseil des ministres prévu mercredi. Pourtant, le peuple a plus que jamais besoin d'un dirigeant qui s'attèle à la tâche.

Moins d’une semaine après son retour au Nigeria, le président Muhammadu Buhari a annulé, mercredi 23 août, un conseil des ministres. De quoi relancer les inquiétudes de la population sur l’état de santé du président, parti deux fois cette année pour des soins médicaux à Londres, et sa capacité à gouverner un pays miné par les problèmes économiques, politiques et sécuritaires.

Dans le nord-est, le groupe jihadiste Boko Haram ne cesse de terroriser la population et utilise de plus en plus des enfants et adolescents comme "bombes humaines", selon l’Unicef. Emmanuel Igah, directeur de Phobos international, un cabinet de conseil spécialiste de la géopolitique et du développement de l’Afrique, estime néanmoins que "le plus grand problème dans la vie des Nigérians ce n’est pas Boko Haram, c’est la criminalité quotidienne".

Les heurts entre fermiers et gardiens de troupeaux nomades se multiplient dans le centre et partout "les kidnappings avec demande de rançon sont devenus un phénomène quotidien qui va de pair avec la dégradation de la situation économique. Beaucoup de gens, même des diplômés de l’université, ne trouvent pas de travail et sont tentés par cette criminalité", explique le conseiller.

La chute du prix du baril de brut a fait entrer, il y a un an, l’économie nigériane, jusque-là la plus puissante du continent mais encore largement dépendante du pétrole, en récession. Depuis, la vie des 190 millions de Nigérians est rythmée par l’inflation et les licenciements massifs.

"Des mesures ont été prises pour diversifier l’économie mais elles arrivent très tard. Il va falloir des décennies pour que cela fonctionne", déplore Emmanuel Igah.

"L’immense défi du mandat de Buhari est celui de la cohésion nationale"

À ces difficultés sécuritaires et économiques, s’ajoutent des dissensions politiques que les absences répétées du président Buhari n’ont pas aidé à apaiser. Cinquante ans après le début de la guerre du Biafra, la région chrétienne du sud-est du Nigeria affiche de nouveau ses velléités indépendantistes. De manière générale, les 36 États nigérians réclament plus d’autonomie vis-à-vis d’Abuja. Certains aimeraient se regrouper en régions et ainsi faciliter, par exemple, le versement des salaires des fonctionnaires.

"De facto, ce système existe déjà mais les regroupements ne sont pas reconnus dans la Constitution. Or, de nombreux États ne sont pas économiquement viables", précise Emmanuel Igah. Pour lui, le plus grand défi du mandat de Buhari est donc "celui de la cohésion nationale".

S’adressant directement à ses opposants qui menacent de faire sécession, Muhammadu Buhari a condamné lundi "ceux qui ont franchi la ligne rouge en osant remettre en question notre existence collective en tant que nation". "L’unité du Nigeria est non négociable", a-t-il martelé.

"Resume or resign"

Alors que la prochaine élection présidentielle doit être organisée en 2019, l’état de santé du président suscite nombre d’interrogations. Les Nigérians se demandent si le président Buhari pourra terminer son mandat. Or, sans que cela soit inscrit dans la Constitution, l’usage veut que dans ce pays multiconfessionnel, à un président musulman issu du nord, succède un président chrétien du sud.

Si Muhammadu Buhari quittait le pouvoir, il serait remplacé par son vice-président, Yemi Osinbajo, un chrétien originaire du sud-ouest du Nigeria. Président par intérim durant les absences du chef de l’État, il s’est rendu populaire en décidant de mesures favorables à la relance et à la diversification de l’économie.

Au point que, la semaine dernière, quelques jours avant le retour du président Buhari, les Nigérians sont descendus dans les rues d’Abuja pour mettre le chef de l’État sous pression et l’avertir qu’ils ne voulaient pas d’un président absent. "Resume or resign", ont scandé les manifestants - "Reprends tes fonctions ou quitte le pouvoir".