
Celui que l'on surnomme "l'homme le plus détesté d'Amérique" pour avoir notamment, en 2015, fait bondir le prix d’un médicament de 5 400 %, comparaissait début août à New York pour fraude et détournement de fonds.
Il est probablement inutile de vous rappeler qui est Martin Shkreli, aka "l’homme le plus détesté d’Amérique", mais nous allons tout de même le faire : ce jeune financier est principalement connu pour avoir, en 2014, multiplié par vingt le prix du Thiola, un médicament utilisé pour traiter l’homocystinurie, une maladie héréditaire rare. L’année suivante, il récidivait et faisait passer de 12 à 673 euros le tarif de la Daraprim, un traitement contre le paludisme et la toxoplasmose. Le tout légalement. Un chouette type, en somme.
Ah, on oubliait. En décembre de la même année, fort de sa belle fortune, il s’offre à prix d’or l’unique exemplaire d’un album du Wu-Tang Clan, avant de refuser d’en partager les morceaux avec le reste du monde. Quelques semaines plus tard, il menace même de le détruire dans une vidéo, avant de changer d’avis : il le mettra en ligne dans sa totalité si Donald Trump parvient à devenir président des États-Unis. Beau prince.
"Et il a manqué de respect au Wu-Tang Clan"
Début août, Martin Shkreli s’est retrouvé devant la justice. Pas pour les frasques citées ci-dessus, mais pour des inculpations de fraude et de montages financiers remontant de 2009 à 2014, période à laquelle il dirigeait ses fonds d’investissement pharmaceutiques. On apprend aujourd’hui, après la publication par le magazine Harper’s des transcriptions d’entretiens préalables à la constitution du jury populaire, à quel point il avait été difficile pour la cour de Brooklyn de trouver des personnes à même de trancher sur le sort de Martin Shkreli. Autrement dit, des hommes et des femmes en mesure d’évaluer de manière impartiale la culpabilité de l’homme d’affaires. Il aura fallu ainsi trois jours à la justice américaine pour parvenir à constituer un jury compétant.
Voici quelques extraits des entretiens réalisés au mois de juin et retranscrits à l’écrit :
- Juré n°47 : "Il est l’homme le plus détesté d’Amérique. Pour moi, il arrive au stade de Bernie Madoff pour avoir fait passer le prix de médicaments pour femmes enceintes de 15 à 750 dollars. Mes parents sont octogénaires. Ils se battent pour payer leurs traitements. Ma mère me disait encore hier que le prix du médicament contre le cancer de mon père revenait à 9 000 dollars par mois."
- La cour : "Le procès auquel vous allez devoir participer va vous demander de rester impartial et ouvert d’esprit."
- Juré n°47 : "Ça me semblera difficile."
- Juré n°52 : "Quand je suis venu ici aujourd’hui, je l’ai regardé, et dans ma tête, j’ai vu un serpent, sans même savoir qui il était. Je suis entré, je l’ai regardé, et c’était un serpent."
- La cour : "Que du bon pour la présomption d’innocence."
- Juré n°59 : "Votre honneur, il est totalement coupable de ce qu'on l’accuse et en aucun cas je ne pourrai le laisser s’en sortir car… "
- La cour : "D’accord. C’est donc l’attitude que vous adoptez envers toute personne accusée d’un crime et qui n’a pas encore été reconnue coupable ?"
- Juré n°59 : "C’est l'attitude que j'adopte à l’égard de tout son comportement, de tout ce qu’il a fait aux gens."
- La cour : "Très bien. Nous allons vous demander de nous excuser, monsieur."
- Juré n°59 : "Et il a manqué de respect au Wu-Tang Clan."
- Juré n°144 : "J’ai entendu aux infos comment l’accusé avait fait exploser le prix d’une pilule en la revendant. J’ai aussi entendu dire qu’il avait acheté un album du Wu-Tang Clan pour un million de dollars."
- La cour : "La question est surtout de savoir si vous avez entendu quoi que ce soit qui pourrait affecter votre capacité à juger ce cas de manière objective. Vous pourriez faire ça ?"
- Juré n°144 : "Je ne pense pas parce qu’il a quand même un peu une tête de bite."
Après cinq jours de délibérations de la part du fameux jury finalement constitué, Martin Shkreli a été, le 4 août dernier, reconnu coupable de trois des huit chefs d’accusation pour lesquels il était inculpé. Il a tout de même tenu à se réjouir aux micros des médias, à la sortie du tribunal, qu’il avait été acquitté de ce qu’il considère comme "les accusations les plus importantes" du dossier.
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