C'est une façon ancestrale de leur montrer le respect. Aujourd'hui, le débat s'élève pour mettre un terme à cette tradition sexiste.
La tradition indienne est scrupuleusement respectée dans les régions rurales, quoique de moins en moins dans les villes : ne pas utiliser le prénom de son mari pour le désigner. Un comportement d'abord encouragé pour montrer que les femmes sont subordonnées à leur époux. Sauf qu'aujourd'hui, de nombreuses associations réclament la fin de cette vieille habitude avilissante.
Car pour l'heure, les Indiennes des campagnes sont priées d'utiliser plusieurs moyens de soigneusement éviter le recours au prénom du chef de famille. Ainsi vont-elles l'appeler par sa fonction : "père de untel et untel" pour rappeler leur place dans la foyer ou "docteur / avocat sahib" pour indiquer sa profession, "sahib" étant un titre de respect national, également utilisé pour s'adresser aux Européens. Une dernière technique consiste à insister sur le "tu/toi" pour attirer leur attention dans une pièce.
Symbolique patriarcale
Pour l'ONG Video Volunteers, il est urgent de mettre un terme à cette symbolique patriarcale qui en dit long sur l'inégalité des sexes.
En octobre 2016, Rohini Pawar, une bénévole habitant à Pune, dans l'ouest du pays, a décidé de lancer une initiative en proposant aux femmes de son village, réunies dans un groupe de discussion, d'appeler leur mari par son prénom. Non sans avoir au préalable appliqué sa propre recommandation. "Avant, je l'appelais 'baba' parce que c'est comme ça que ses neveux l'appellent. Ou alors je disais juste 'aaho' ("toi", dans le dialecte local) pour l'interpeller", explique à la BBC celle qui n'avait jamais prononcé en face de lui "Prakash", le prénom de son mari, en 16 ans de mariage. Ce dernier a plutôt bien pris le changement d'attitude de sa femme.
Mais ce n'est pas le cas de tous les maris. "Une des femmes est partie du groupe de discussion très enjouée à l'idée d'essayer à son tour. Quand son mari est rentré à la maison, elle a crié son prénom. Et il lui a donné une gifle. En la prévenant que si elle osait recommencer, il n'hésiterait pas à cette fois la battre", regrette Rohini Pawar.
Une pratique démodée dans les villes
"En Inde, le mari est presque considéré comme l'égal de Dieu. Dans les mariages classiques, il vient souvent d'une caste supérieure à celle de la femme. C'est aussi lui qui subvient aux besoins de la famille. Si on ajoute à ça le fait qu'il est aussi souvent plus âgé, on comprend mieux ce qui pousse la société traditionnelle à le mettre sur un piédestal", explique la professeur Aninhalli Vasavi, anthropologue et sociologue indienne.
En ville, cette pratique est en passe de tomber en désuétude – à la faveur de la féminisation du marché de l'emploi et de la fin des mariages arrangés au profit des mariages d'amour. "Quand j'ai épousé mon mari, qui est un ancien collègue, je l'avais déjà appelé plein de fois par son prénom avant. Ça aurait été ridicule de soudainement arrêter", explique Geeta Pandey dans les colonnes de la BBC.
Aujourd'hui, le fait de débattre de cette tradition est un premier progrès. Certes, pas encore massivement enclenché. "Les gens nous demandent pourquoi c'est si important pour nous d'inciter les femmes à appeler leur mari par son prénom. C'est peut-être un détail, mais c'est par les soi-disant détails que l'on peut changer de plus grandes choses, non ?", tient à clarifier Rohini Pawar.
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