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Premiers trébuchements au sein de la République en marche

Des adhérents de La République en Marche ont engagé une action en justice pour obtenir le report du vote interne sur les nouveaux statuts du parti, tandis que certains députés LREM se sentent muselés par le règlement du groupe à l’Assemblée.

Les nuages sont entrés dans le ciel trop bleu de La République en Marche dont une partie des militants se sentent floués et certains députés muselés. Emmanuel Macron leur avait pourtant promis de faire de la politique autrement. Mais les premiers dispositifs d’organisation interne du parti et du groupe parlementaire mis en place depuis la victoire à l'élection présidentielle illustrent au contraire une volonté de tout verrouiller.

Les nouveaux statuts du parti, présentés le 16 juillet et soumis à un vote électronique du 23 au 30 juillet, sont ainsi très éloignés des attentes suscitées par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle. Des militants réunis au sein du collectif "La Démocratie en marche" reprochent au parti de priver les adhérents de tout pouvoir et ont décidé d’engager une procédure judiciaire pour contester le vote en cours. Une audience en référé a eu lieu, mardi 25 juillet, au tribunal de Créteil. La mise en délibéré a été prononcée pour une décision au 1er août.

"Les statuts proposés cantonnent les adhérents à un rôle de supporteur et les excluent de la gouvernance, aussi bien locale que nationale", dénonce dans un communiqué le collectif "La Démocratie en marche", pour qui "ce verrouillage révèle une certaine défiance vis-à-vis des adhérents et apparaît en contradiction avec les valeurs de REM".

Pour le collectif, il y a vice de forme car "la convocation à ce vote ne respecte pas les actuels statuts du mouvement", notamment en ce qui concerne les délais. "La Démocratie en marche" réclame au contraire "la tenue d’un grand débat national qui permette à REM de construire de véritables statuts démocratiques".

"Un système de centralisme démocratique qu'aucun parti n'ose aujourd'hui revendiquer"

Ainsi, l’essentiel du pouvoir au sein de La République en Marche sera concentré au sein du Bureau exécutif (une trentaine de membres) – un organe qui siégera à Paris et qui n’aura que peu de liens directs avec les militants sur le terrain. A contrario, les 3 200 comités locaux qui ont animé la vie du mouvement lors des campagnes présidentielle et législatives n’auront aucun rôle décisionnaire et ne recevront pas d’argent pour leur fonctionnement, tout en étant chapeautés par des référents territoriaux désignés par les instances nationales. En clair : les adhérents sont invités à poursuivre leur militantisme mais ne peuvent espérer peser sur les grandes orientations du parti.

Or, selon l’ancienne ministre et présidente de Cap21, Corinne Lepage, qui a soutenu Emmanuel Macron à la présidentielle et qui a signé dans le Huffington Post, lundi 24 juillet, une tribune de soutien au collectif "La Démocratie en marche", "on ne peut pas se revendiquer comme étant le mouvement de la société civile et agir dans un système de 'centralisme démocratique' qu'aucun parti n'ose aujourd'hui revendiquer".

"Aujourd'hui, la proposition de statuts qui est faite semble avoir été pensée à l'inverse de ce qu'avait proposé Emmanuel Macron, poursuit-elle. La démocratie la plus élémentaire, celle qui consiste à permettre à des militants d'élire leurs représentants et d'intervenir directement dans le choix des investitures, même si les institutions centrales gardent évidemment un rôle essentiel, a été oubliée."

L’activité des députés LREM totalement contrôlée par Richard Ferrand

Au sein de La République en marche on préfère minimiser cette grogne. Les plaignants représentent "quelques personnes sur 370 000 adhérents", a notamment relativisé sur RMC le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, en évoquant la déception de certains de ne pas avoir vu leur candidature retenue pour les législatives. "Vous trouverez toujours des gens qui contesteront le système, qui se sentiront un peu à côté."

Sauf que l’insatisfaction est également présente chez certains élus LREM à l’Assemblée nationale. Loin des caméras, ceux-ci évoquent un "climat de trouille" qui règnerait au sein du groupe parlementaire et critiquent un règlement interne ultra verrouillé.

Selon le document que France 24 a pu consulter, les députés La République en marche sont ainsi tenus "de manifester, dans leurs paroles, leurs écrits et leurs votes, une solidarité avec la majorité du groupe et s’engagent à appliquer une discipline de vote, hormis sur les questions d’éthique". Les députés ont également obligation d’obtenir l’aval du président du groupe, Richard Ferrand, avant de prendre la moindre initiative personnelle – proposition de loi, question écrite ou orale, amendement. Et enfin, ils "ne cosignent aucun amendement ou proposition de loi ou de résolution issus d’un autre groupe parlementaire".

Les promesses d’Emmanuel Macron de "dépasser les vieux clivages politiques" et de "faire de la politique autrement" portées en étendard tout au long de la campagne semblent visiblement déjà appartenir au passé.