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Maroc : dans le Rif, les autorités durcissent la répression des manifestations

"La marche du million" à Al-Hoceïma dans le Rif au Maroc a été émaillée de heurts, jeudi. Les forces de l'ordre ont tenté d'empêcher tout rassemblement, en vain. Les manifestants ont investi la ville dans un climat de répression et de violence.

La situation s'est de nouveau tendue jeudi 20 juillet à Al-Hoceïma, dans le nord du Maroc. La "marche du million", manifestation prévue de longue date pour protester contre la marginalisation économiqe de la région du Rif a été le théâtre d'affrontements entre police et manifestants. Ces derniers, déterminés à se faire entendre malgré l'interdiction de manifester décrétée lundi, réclament la libération de leurs leaders emprisonnés depuis mai.

"Soixante-douze éléments des forces publiques ont été blessés (...) suite à des jets de pierre (...) onze personnes parmi les manifestants suite à l'usage du gaz lacrymogène", a indiqué jeudi soir la préfecture d'Al-Hoceïma, citée par l'agence de presse officielle MAP.

La ville en état de siège

Initialement prévue à 13 h, la manifestation des sympathisants du Hirak, nom donné localement à la protestation, a dû être repoussée à 17 h par les organisateurs. En cause : les barrages mis en place par les policiers sur les routes menant à Al-Hoceïma afin d'empêcher les habitants des environs de rejoindre la manifestation. Selon les témoignages recueillis par les Observateurs de France 24, certains se sont résignés à faire des détours de plusieurs kilomètres à pied en empruntant des petits chemins dans les collines afin d'entrer dans la ville.

Dans le même temps, un important dispositif policier avait été déployé, au moins une cinquantaine de fourgons, selon l'AFP, quadrillait la ville pour contenir les manifestations. La place des Martyrs, d'où devait partir la manifestation avait été bouclée.

Place des martyrs en ce moment #Hirak pic.twitter.com/0c1yMJBFBy

— Omar Radi (@OmarRADI) 20 juillet 2017

Selon les Observateurs de France 24, les réseaux 4G et 3G étaient également très fortement perturbés. Une mesure habituelle, selon les habitants interviewés, mais qui a compliqué le travail de la presse.

Enfin, le mouvement Hirak avait lancé un appel à la grève et demandé aux commerçants de fermer boutique pour afficher leur soutien aux manifestants. Selon plusieurs vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, la quasi-totalité des magasins étaient fermés.

Des affrontements violents

Peu avant 17 h, les manifestants ont commencé à se regrouper dans plusieurs points de la ville, mais les forces de l'ordre, déployées en nombre, intervenaient systématiquement pour charger les manifestants et disperser tout rassemblement, donnant lieu à des face-à-face tendus entre les deux parties.

"Vive le Rif, vive Zefzafi!", criaient des centaines de manifestants, en référence au leader du mouvement, Nasser Zefzafi, arrêté fin mai. Ils sont parvenus à défiler par moments dans le quartier de Sidi Abed et près de la place centrale de la ville, avant d'être rapidement réprimés.

Au dessus de la maison du leader du #hirak Nasser #zefzafi emprisonné depuis un mois et demi, des drapeaux noirs en guise de deuil. pic.twitter.com/NONJedhKuV

— Nadia Sweeny (@nadiasweeny) 20 juillet 2017


Selon les journalistes du Desk
, le site d'information en ligne marocain, plusieurs dizaines d'interpellations ont eu lieu durant la journée, dont celle de Hamid El Mahdaoui, le directeur du site d'informations indépendant Badil.info. Le parquet d'Al-Hoceïma a annoncé jeudi soir l'ouverture d'une enquête sur ce journaliste marocain engagé, accusé d'avoir "invité" des personnes à "participer à une manifestation interdite et à contribuer à son organisation".

Le président, pour la ville d’Al-Hoceïma, de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH), Mustapha Allach, a de son côté déploré d’"importantes entraves aux libertés", faisant état de "nombreuses arrestations de manifestants", a rapporté l’AFP.

La tension remonte dans le Rif

"Une personne se trouvant dans un état comateux et portant une blessure au niveau de la tête due, selon les premières données, à des jets de pierre, a été transférée, jeudi soir, dans des circonstances indéterminées à l’hôpital Mohammed V à Al Hoceima pour recevoir les soins nécessaires", ont indiqué les autorités locales de la province au Desk.

La personne en question a été transférée dans un hôpital de Rabat par un hélicoptère du ministère de la Santé. "Une enquête a été ouverte par les autorités sécuritaires sous la supervision du parquet compétent pour identifier cette personne et élucider les circonstances de cet incident", ont précisé les autorités.

Depuis la mort, fin octobre 2017, d'un vendeur de poisson, broyé accidentellement dans une benne à ordures, la province d'Al-Hoceïma a été le théâtre de nombreuses manifestations pour exiger le développement de cette région que ses habitants jugent marginalisée. La relance par l'État d'un vaste plan d'investissements et de chantiers d'infrastructures n'a pas suffi à atténuer la colère.

Le mois de mai a été marqué par un durcissement des autorités, avec l'arrestation des principales figures du mouvement. Sous la pression, les manifestations ont cessé début juillet et la tension était retombée d'un cran avec le retrait des policiers de lieux publics emblématiques de la ville. Aujourd'hui, cette désescalade semble bien loin.

Avec AFP