La Station F de Xavier Niel a beau avoir été inaugurée jeudi en grande pompe comme le plus grand campus pour start-up au monde, cela ne veut pas dire qu’elle joue déjà dans la cour des grands.
"Entrepreneur is the new France". Le président français Emmanuel Macron a "pitché" avec ferveur et humour sa "start-up nation" devant un parterre de jeunes aspirants entrepreneurs acquis à sa cause lors de l’inauguration de la Station F, l’incubateur géant à Paris, jeudi 29 juin.
Le lieu s’y prêtait. Station F, qui ouvre officiellement ses portes lundi 3 juillet, a des allures de grands campus tech décontractés à l’américaine avec ses poufs pour travailler à la cool, sa salle de repos avec un gros nounours en peluche, ses bornes de jeux d’arcade ou encore ses tables de billard.
Un visage du dynamisme français
Ce nouveau lieu est aussi un espace de toutes les démesures avec des chiffres à donner le tournis. Mais "ce n’est pas d’avoir le plus grand incubateur au monde qui est vraiment important, c’est le signal envoyé qui compte", assure Guillaume Degroisse, directeur des contenus de l’Atelier BNP Paribas, la branche dédiée à l’innovation de la banque française.
Ce gigantisme est important pour le rayonnement de la France. Certes, le secteur numérique français n’a pas attendu Xavier Niel, le fondateur et financier de Station F, pour croître. Mais ce nouveau lieu donne un visage au dynamisme technologique français et "cristallise en un même endroit tout un écosystème fait d’investisseurs, d’entrepreneurs et d’industriels", résume Guillaume Degroisse. De quoi marquer les esprits.
Ce signal est tout autant tech que politique. Il s’intègre parfaitement au profil "tech-friendly" que cultive Emmanuel Macron. Après le salon de l’innovation VivaTech, c’est un deuxième événement en quelques semaines qui vient donner l’impression que le président a raison de parier sur la mue française 2.0.
Mastodonte français vs références américaines
Pour réussir à s'imposer dans le paysage, la Station F va devoir surmonter un double handicap : être trop gros pour la France et trop jeune pour le monde. Un mastodonte de cette taille risque de tout écraser sur son passage en France. "Certains autres incubateurs, forcément plus petits, vont pâtir de l’arrivée de la Station F", reconnaît Guillaume Degroisse. Il espère que cet effet négatif ne durera qu’un temps avant qu’un éventuel succès de la Station F profite à tous. Xavier Niel semble conscient du danger. Le fondateur de Free a, par exemple, fait attention à ce que le loyer pour les start-up hébergées à la Station F soit similaire à ceux pratiqués par les autres incubateurs. Pour un patron habitué à s’imposer sur le marché des télécoms en cassant les prix, c’est une démarche inédite. Rien ne dit, en revanche, qu’elle sera suffisante.
Au niveau mondial, la Station F doit aussi se faire une place dans la cour des grands. Il n’est pas facile d’exister face à des références comme les accélérateurs américains Y Combinator ou AngelPad, qui comptent des dizaines de licornes (start-up valorisée à plus d’un milliard de dollars) à leurs actifs. Un savoir-faire avéré qui risque de peser plus lourd pour la start-up que la promesse de joindre "le plus grand incubateur du monde". Xavier Niel peut se targuer d’avoir Facebook et Microsoft parmi les partenaires de la première heure de son projet, lui conférant une aura internationale certaine. Mais le vrai test "sera de voir si dans un an, des start-up étrangères auront choisi Paris et auront été sélectionnées pour rejoindre la Station F", assure Guillaume Degroisse.
In fine, le succès de ce campus tech français sera jugé à l’aune du nombre de licornes qui en sortiront. Sur ce point, il va être difficile de concurrencer les États-Unis où les investisseurs sont plus prompts à mettre de fortes sommes sur la table qu’en France et en Europe. Pour l’expert de la BNP, l’un des éléments-clés de la réussite de la Station F sera sa capacité à attirer des fonds d’investissements américains : "S’ils viennent soutenir des start-up en France, sans leur demander en plus d’aller s’installer dans la Silicon Valley, ce sera gagné."