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Débat Macron - Le Pen : invectives et brutalité

Le débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, mercredi soir, a donné lieu à davantage de passes d’armes stériles qu’à des échanges sur le fond des sujets abordés.

Les téléspectateurs, qui attendaient le débat télévisé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, mercredi 3 mai, pour faire leur choix en vue du second tour de l’élection présidentielle, ont certainement dû être déçus. En lieu et place d’un échange d’idées sur les politiques à mener lors du prochain quinquennat, c’est à un pugilat qu’ils ont assisté.

La faute, tout d’abord, à des journalistes aux abonnés absents, qui ont préféré laisser les deux candidats s’invectiver plutôt que de les ramener aux sujets de fond. La faute, également, au choix des séquences de l’émission avec des thèmes survolés comme l’économie et la lutte contre le chômage, voire carrément oubliés comme l’environnement ou la laïcité.

La faute, enfin et surtout, à une candidate, Marine Le Pen, qui a passé la majeure partie de son temps à attaquer son adversaire plutôt qu’à répondre aux questions qui lui étaient posées. Sur sa méthode pour relancer l’économie française ou pour réduire le nombre de chômeurs, notamment, la candidate du Front national n’a formulé aucune proposition. Et lorsque lui a été donnée l’occasion en fin d’émission de parler du sujet de son choix, celle-ci a préféré s’en prendre une fois de plus à son adversaire, qu’elle a dépeint tout au long de la soirée comme étant une créature de François Hollande et du monde de la finance.

Marine Le Pen : "M. Macron est le candidat de la mondialisation sauvage"

"M. Macron est le candidat de la mondialisation sauvage, de l'ubérisation, de la précarité, de la brutalité sociale, de la guerre de tous contre tous, du saccage économique de nos grands groupes, du dépeçage de la France par les grands intérêts économiques, du communautarisme. Et tout cela piloté par M. Hollande", a ainsi lancé Marine Le Pen en introduction, appelant à de multiples reprises le candidat d’En Marche ! "M. le ministre de l'Économie" ou encore "M. le conseiller de M. Hollande". La stratégie de la candidate frontiste était claire : raccrocher sans cesse Emmanuel Macron au bilan du gouvernement sortant et lui accoler coûte que coûte l’étiquette socialiste, tout en le mettant directement en cause en citant divers dossiers industriels.

"Vous n'êtes pas la candidate de l'esprit de finesse" ni "de la volonté d'un débat démocratique équilibré et ouvert", lui a rétorqué Emmanuel Macron. "Mensonges !", "Grandes bêtises !", "Vous ne connaissez pas vos dossiers !", l’a-t-il aussi régulièrement accusée durant les 2 h 30 de direct, tout en s'attachant à endosser le costume du présidentiable en listant ses différentes propositions pour chaque thème abordé.

Le concept de stature présidentielle vole en éclats

Marine Le Pen s’est toutefois montrée plus à l’aise sur ses sujets de prédilection : le terrorisme et l’insécurité, accusant notamment son adversaire de "complaisance pour le fondamentalisme islamiste". "Il faut que l'on expulse tout de suite les fichés S étrangers qui sont sur notre territoire, a-t-elle affirmé. Tous ceux qui, étrangers sur notre territoire, ont un lien avec le fondamentalisme islamiste : dehors, dehors ! Tous ceux qui sont binationaux, on mettra en œuvre la déchéance nationale."

Marine Le Pen accuse Emmanuel Macron de "complaisance pour le fondamentalisme islamique"

Emmanuel Macron a lui aussi lancé des attaques contre Marine Le Pen, pointant notamment ses récentes "bidouilles" sur sa proposition de sortie de l’euro ou sur le financement de certaines de ses réformes, comme l’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans.

Évoquant également ce qui restera probablement comme l’épisode emblématique de cet entre-deux-tours, l’ancien ministre de l’Économie a reproché à la députée européenne, au sujet de sa visite sur le parking de l’entreprise Whirlpool à Amiens, d’avoir "profité de la détresse des gens". "Vous ne les respectez pas. Moi, j'ai entendu la colère. J'ai passé des heures avec eux [...]. Je suis allé au contact des salariés. Parce que c'est ça, respecter les gens. Pendant que vous faisiez votre numéro avec les caméras, moi j'étais avec les représentants des salariés parce que je les respecte", a asséné Emmanuel Macron.

Au-delà de ces passes d’armes, ce débat présidentiel ne risque pas de rester dans les annales du genre. Il n’y a pas eu, mercredi soir, de formule choc comme celle de Valéry Giscard d’Estaing lançant en 1974 à François Mitterrand "vous n’avez pas le monopole du cœur". Pas de "colère parfaitement saine" façon Ségolène Royal face à Nicolas Sarkozy en 2007, ni même de tirade du type "Moi, président" comme avait pu le faire François Hollande devant Nicolas Sarkozy en 2012.

Au contraire, devant les rires incessants de Marine Le Pen qui cachaient souvent assez mal son impréparation et les sourires forcés d’Emmanuel Macron trahissant une forme de condescendance, ce sont essentiellement des moments de gêne que retiendront les téléspectateurs.

Le plus mémorable d’entre eux – lorsque la présidente du Front national a tenté de railler les propos du candidat d’En Marche ! sur les militants frontistes, de plus en plus présents "dans les campagnes", en citant la série télévisée Les Envahisseurs – n’a d’ailleurs pas tardé, pour le plus grand plaisir des internautes, à devenir viral sur les réseaux sociaux. Mais pour ceux que les parodies et autres mèmes Internet n’amusent guère et qui espéraient un débat ayant un minimum de tenue, il était sans doute préférable, à ce moment très précis, d’oublier le concept même de stature présidentielle.