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Législatives en Algérie : la population se passionne pour l'élection… française

Les Algériens sont appelés aux urnes le 4 mai pour des législatives mais beaucoup trouvent plus d'intérêt dans la présidentielle française. Ils redoutent les conséquences de l'élection de Marine Le Pen sur la communauté algérienne de France.

L’Algérie et la France sont en pleine campagne électorale. Mais si les Algériens sont appelés à choisir leurs députés le 4 mai, c'est davantage la présidentielle française qui les intéresse.

Les chaînes d’information en continu et les réseaux sociaux n’y sont pas pour rien, explique Adlène Meddi, journaliste à El Watan : "Les Algériens sont férus de vidéos et de déclarations choc". Dernièrement, c’est la conférence de presse commune de Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen, qui a donné lieu à de nombreux commentaires. Notamment parce que le programme protectionniste et nationaliste de cette dernière inquiète la population. Or, selon Adlène Meddi, "il n’y a pas une seule famille en Algérie qui n’a pas, de près ou de loin, un proche en France".

"On s’inquiète de ce qui va arriver à la communauté algérienne, explique le journaliste. On est dans un scénario catastrophe car la double nationalité risque d’être remise en cause. […] Les gens se disent que la France va aller vers beaucoup plus de refus de l’autre et de l’étranger."

Macron, "ami de l’Algérie"

Face à la candidate du Front national, Emmanuel Macron fait figure de favori. D’autant plus que le fondateur du mouvement En Marche ! avait déjà séduit le pays en déclarant, le 15 février, que la colonisation était un crime contre l’humanité. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a lui-même pris position en faveur de l’ancien ministre de l’Économie de François Hollande, en affirmant qu’Emmanuel Macron était un "ami de l’Algérie".

Rachid Grim, politologue, rappelle que l’élection présidentielle française de 2012 avait beaucoup moins passionné l’Algérie car "il y avait moins de risques pour les Algériens". Selon lui, Emmanuel Macron n’était pourtant pas, au premier tour, le candidat favori des Algériens, qui s’intéressent à la politique française. "Si les Algériens avaient pu voter, ils auraient choisi Mélenchon, assure-t-il. Sa personnalité a suscité beaucoup de curiosité en Algérie. Nous sommes une civilisation du verbe et lui, c’est un véritable orateur."

Décrédibilisation de la vie politique

Personnalité des candidats mise à part, ce que les Algériens apprécient également dans l’élection française, c’est le jeu de l’alternance politique : "Les jeunes se projettent dans les démocraties, comme en France et aux États-Unis. Cela les intéresse de voir comment les élections se passent dans les vraies démocraties, quand il y a un match politique", explique Adlène Meddi.

L’argument n’est pas des moindres. Les électeurs algériens ont perdu foi en leurs dirigeants. "Sur ce point, il est possible de dresser un parallèle entre les élections française et algérienne : les deux pays ont un problème de décrédibilisation de la vie politique mais le phénomène n’a pas atteint en France le niveau de l’Algérie", analyse Rachid Grim.

Malgré une loi passée en 2012 imposant un quota de 30 % de femmes sur les listes électorales et la création depuis la même année, dans le sud du pays, de petits partis créés par de jeunes cadres et concentrés sur des questions concrètes de politique locale, les Algériens seront extrêmement peu nombreux à se rendre aux urnes le 4 mai.

"La participation électorale est une sorte de secret d’État en Algérie. Traditionnellement, elle est moins importante aux élections législatives que pour la présidentielle et les élections locales. En 2012, les chiffres officiels avaient estimé la participation à 48 %. Mais, en enquêtant dans les bureaux de vote, nous journalistes estimons qu’elle ne dépasse pas 25 %. Et cette année, cela risque d’être pire encore", avance Adlène Meddi.

"Plus personne ne croit en rien"

Pour expliquer cette abstention, Rachid Grim met en cause le manque de crédibilité du personnel politique algérien : "Le Premier ministre est en train de faire campagne, alors qu’il n’en a pas le droit. Mais il ne mobilisera rien. Plus personne ne croit en rien. Les partis traditionnels comme le FLN [Front de Libération Nationale, au pouvoir depuis l’indépendance en 1962, NDLR] sont exécrés, ainsi que tous ceux qui ont participé au pouvoir".

Pour tenter de faire entendre la défiance des électeurs algériens, les partis Jil Jadid (Nouvelle génération) et Talaie El-Houriyat (Avant–garde des libertés) ont appelé au boycott des élections, poussant le Premier ministre Abdelmalek Sellal à réagir. "Celui qui veut abandonner son droit au vote est libre de le faire mais il ne doit pas imposer son choix aux Algériens, en les poussant au doute et au désespoir", a-t-il déclaré le 10 avril, lors d’une visite à Djelfa, à 300 km au sud d’Alger.

Pour Rachid Grim, le résultat de cet appel à l'abstention risque cependant d’être nul. "De toute façon, les Algériens ne voteront pas et le boycott sera confondu avec l’abstention", défend-il.

Alors, pour tenter de ramener aux urnes les quelques électeurs susceptibles de se laisser convaincre, le gouvernement use de toutes sortes d’affiches et de clips télévisés. "Cette année la participation est devenue l’obsession du pouvoir algérien, explique Adlène Meddi. C’est une façon de récréer de la normalité dans un pays qui, à la fin du troisième mandat de Bouteflika [président depuis 1999, NDLR], a dépassé toutes les limites en imposant aux Algériens quelqu’un de malade et d’impotent".