
Depuis le Brexit et l'élection de Donald Trump, on avait appris à s'en méfier. Et pourtant, ce coup-ci, les sondages ont bel et bien gagné. Ipsos, par exemple, tablait sur 24 % des suffrages en faveur de Emmanuel Macron et 22 % pour Marine Le Pen.
Souvent critiqués, parfois blâmés, les sondages ont mauvaise presse mais sont toujours vivement commentés. En donnant le ton des discussions politiques précédant le premier tour de l'élection présidentielle, ils sont des marqueurs de l'opinion publique et offrent des tendances.
Ifop, Ipsos, Harris Interactive, Kantar-Sofres, Elabe, CSA... Nombreux ont été les instituts à prévoir qu'Emmanuel Macron et Marine Le Pen s'affronteraient au second tour de la présidentielle française de 2017. Ainsi, le 21 avril, Ipsos révélait 24 % d'intention de vote pour Emmanuel Macron et 22 % pour Marine Le Pen en s'appuant sur un échantilon de 2 048 personnes, dont 1 401 certaines d’aller voter et exprimant une intention de vote, constituant un échantillon national représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. L'institut Elabe, lui, chiffrait dans les mêmes eaux, avec des estimations autour de 24 % pour Emmanuel Macron et 21,5 % cette fois pour Marine Le Pen.
Haro sur les estimations trompeuses
Sondages de sorties des urnes, annonces anticipées... Il est toujours tentant de consulter les tendances au cours d'une journée de vote. La loi française a prévu une interdiction de publication de nouveaux sondages entre samedi 22 avril et jusqu'à dimanche 23 avril à 20h00, heure de l'annonce du résultat. L'idée ? Protéger la réflexion politique que chaque citoyen est supposé mener de toute influence de nature à altérer son jugement. Mais cette loi n'est évidemment appliquable qu'en France. Comme à chaque fois, les médias étrangers s'en sont donnés à cœur joie pour publier quelques estimations, notamment consultables sur Twitter sous le hashtag #RadioLondres, entre autres faux diseurs de tendances.
Or, "toute information relative aux résultats des candidats à l'élection présidentielle qui circulerait avant 20h00 doit être considérée comme dépourvue de caractère significatif", rappelle la Commission des sondages. "La commission a obtenu des 9 principaux instituts de sondages (BVA, Elabe, Harris Interactive, Ifop, Ipsos, Kantar, Odoxa, OpinionWay, Viavoice) l'assurance qu'aucun d'entre eux ne réalisera le 23 avril de sondages "sortie des urnes". Il en résulte que toute référence, le jour du scrutin, à de tels sondages ne pourra être que le fruit de rumeurs ou de manipulations et partant qu'aucun crédit ne devra leur être accordé", faisait-elle savoir dès le 20 avril.
Le big data prévoyait François Fillon au second tour
Par ailleurs, "comme toute information chiffrée, les sondages sont d’autant plus susceptibles d’être interprétés de manière trompeuse qu’ils sont partie prenante du débat politique. Face à ce danger, il n’y a pas d’autre recette que la vigilance scientifique. En particulier l’attention à ne pas accorder plus d’importance aux réponses des sondés qu’ils n’y attribuent eux-mêmes. On ne doit jamais oublier que la grande majorité des citoyens sont beaucoup moins politisés que ceux qui rédigent les questions des enquêtes politiques, et que ceux qui les lisent avec le plus d’intérêt", mettait en garde le politologue Pierre Martin dans cet article du Monde Diplomatique.
Reste que, malgré quelques défaites de sondages (à l'instar de celui qui donnait Valéry Giscard d’Estaing gagnant face à François Mitterrand lors du scrutin présidentiel de 1981), ceux-ci semblent toujours autant prisés des commentateurs publics. Menée par des étudiants en master big data de l’école d’ingénieurs Télécom ParisTech, une étude prévoyait récemment un duel des droites au second tour, entre François Fillon et Marine Le Pen. En plus des réseaux sociaux, l'algorithme utilisé exploitait également des données publiques au niveau départemental (taux de chômage, couleur politique du président du conseil départemental, densité de population, historique des votes depuis 1981...) Pour le coup, big data versus sondages, ce sont bien ces derniers qui ont remporté le match. Ce que l'Ifop n'a pas manqué de faire remarquer à Filteris, l'entreprise canadienne qui a utilisé des algorithmes pour estimer que François Fillon serait présent au second tour.
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