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Vote musulman ? "Il n’y a pas de déterminant islamique"

Selon l’IFOP, en 2012, 86 % des électeurs de confession musulmane ont voté pour François Hollande. Mais pour le politologue Haoues Seniguer, interrogé par France 24, l’islamité n’est qu’une variable parmi d’autres dans le choix électoral.

Les musulmans représentent 5 % du corps électoral français, selon une étude du Cevipof parue en 2011. Lors de la précédente élection présidentielle, 86 % des Français de confession musulmane avaient voté pour François Hollande au second tour (contre 51,6 % en moyenne pour l’ensemble des Français). Pour autant, parler de "vote musulman" ne va pas de soi, selon le politologue Haoues Seniguer, maître de conférences à Sciences-Po Lyon (IEP) et chercheur au Laboratoire Triangle à Lyon.

France 24 : Est-il pertinent de parler de "vote musulman" ?

Haoues Seniguer : La formule est ambiguë car elle tend à donner l’impression que les électeurs musulmans votent comme un seul homme en raison de leur religion. Or, il n’y a pas de déterminant islamique qui emporte le vote : oui, les électeurs de religion musulmane qui se rendent aux urnes sont musulmans… mais ils ne sont pas que ça. Au moment de voter, leurs considérations sont multiples : les contingences liées au parcours de chacun et la variable de la classe sociale entrent en ligne de compte. Certains musulmans vont être sensibles à la question de l’islamophobie, d’autres vont se déterminer en fonction de la question palestinienne tandis que d’autres encore trancheront surtout sur les questions socio-économiques. Au moment du vote, on ne sait pas quelle est la variable qui prend le dessus mais la confession n’écrase pas l’ensemble des autres options des individus.

D’après une étude de l’Ifop, 86 % des électeurs musulmans ont voté pour François Hollande en 2012. Peut-on dire que les musulmans en France sont plutôt de gauche ?

Ce vote massif des musulmans pour François Hollande en 2012 prouve paradoxalement qu’il n’y a pas de déterminant islamique. Car si la religion avait pris le dessus, compte tenu de l’engagement du candidat en faveur du mariage homosexuel, les musulmans observants n’auraient pas voté pour lui. Si le "vote musulman" est contrasté, on peut tout de même dire qu’il y a chez cet électorat une sensibilité de gauche du fait de la trajectoire socio-économique des musulmans, qui sont souvent issus des milieux populaires.

Tous les courants politiques, même les plus extrêmes, captent-ils "l’électorat musulman" ?

Le vote Front national existe : l’ancien président de l’association Fils de France et ex-porte-parole de la Manif pour tous, Camel Bechikh, par exemple, est de sensibilité FN. Il y a aussi des musulmans qui votent pour Jean-Luc Mélenchon, malgré son discours laïc. Plus globalement, l’émergence à droite comme à gauche de personnalités issues de la culture arabo-muslmane montre qu’il n’y a pas une seule façon de représenter l’islam : l’islamité peut justifier des positions politiques différentes. En fait, le filtre électoral ne fait que confirmer l’analyse de l’islamologue Bruno Etienne : "Les musulmans sont anormalement normaux".