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Quel temps de parole dans les médias pour les candidats à la présidentielle française ?

L'organisation d'un débat sur TF1 entre les "gros" candidats à la présidentielle ne passe pas pour Dupont-Aignan. Furieux de ce "viol démocratique", il menace d'attaquer en référé la chaîne. Petit rappel des règles édictées par le CSA.

Nicolas Dupont-Aignan, candidat de Debout La France à la présidentielle, a menacé, vendredi 24 février, "d'attaquer en référé" TF1, car il estime que la chaîne "ne respecte pas la loi" en limitant à cinq candidats les participants au débat qu'elle organise le 20 mars.

Selon le candidat, cette sélection "est arbitraire" et est contraire aux règles édictées par le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) pour assurer l'expression du pluralisme politique à la télévision et à la radio. Dans une lettre, il a officiellementl demandé au grand régulateur de l'audiovisuel français de rappeler à l'ordre TF1 à propos du débat.

Équité, égalité, Facebook Live, sanctions... Petit tour d'horizon des règles édictées en matière de temps de parole par le CSA pour la présidentielle 2017.

Qu'est-ce que le temps de parole ?

Suivre le décompte des temps de parole des politiques français est l'une des missions du CSA. Elle est définie par l'article 16 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui stipule que le Conseil "fixe les règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives aux campagnes électorales".

Comme il le précise sur son site, le CSA vise à remplir l'"objectif constitutionnel tendant à assurer une représentation des différents courants d'expression socioculturels". Un objectif qui constitue un "fondement de la démocratie".

Quelles sont les règles pour l'élection présidentielle de 2017 ?

Le CSA a fixé ses règles pour l'élection présidentielle dans une recommandation émise le 7 septembre 2016. Les chaînes de télévision et les stations de radio d'informations vont devoir appliquer un principe d'équité du temps de parole et d'antenne des candidats. Cette équité est calculée en fonction de "la représentativité des candidats qui prend en compte, en particulier, les résultats du candidat ou de la formation politique aux plus récentes élections" et "la capacité à manifester concrètement son implication dans la campagne : organisation de réunions publiques, participation à des débats, désignation d'un mandataire financier, et plus généralement toute initiative permettant de porter à la connaissance du public les éléments du programme du candidat."

Depuis le 1er février, ce principe d'équité est déjà appliqué à l'ensemble des candidats déclarés ou présumés à la présidentielle ainsi que leurs soutiens. Ainsi les interventions de François Bayrou étaient minutieusement décomptées au cas où celui-ci déclarerait sa candidature à la présidentielle. À partir du 20 mars, on entrera dans la deuxième phase où ses règles s'appliqueront à la liste des candidats publiés au Journal officiel. Enfin, du 10 avril au 7 mai, on entrera dans le sprint final. Finie l'équité du temps de parole, place à une égalité stricte entre tous les candidats, quel que soit leur poids électoral.

Ces règles sont issues de la loi organique sur la modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, votée le 5 avril 2016. Auparavant, le principe d'égalité stricte s'appliquait dès la publication de la liste des candidats au Journal officiel (phase 2). Ce changement de principe a été demandé par les grandes chaînes de télé estimant que la multiplication des "petites" candidatures nuisaient à l'intérêt des débats à cause de cette égalité stricte. Le projet de loi a été défendu par le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas. Son adoption n'avait pas manqué, à l'époque, de faire bondir les "petits" candidats forcément défavorisés par le nouveau système puisque réduit, entre autres, à leur poids dans les sondages.

Enfin, toujours dans un souci d'équité, le CSA surveille également les conditions de programmation. Une chaîne ne peut pas artificiellement parler d'un candidat en le diffusant en pleine nuit. les comparaisons se font par créneaux horaires (matin, journée, soirée et nuit)

Qui est concerné par les règles ?

Encore une fois la réponse est à chercher du côté de la recommandation du 7 septembre 2016. Au total, 25 médias sont directement nommés. Ainsi que 14 chaînes de télévision et 10 stations de radio. Ils doivent ainsi tous transmettre régulièrement le relevé des temps de parole et des temps d’antenne des candidats et de leurs soutiens.

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D'autres médias, comme par exemple France 24, n'apparaissent pas. Sont-ils pour autant exempts des règles du CSA ? "Non, nous suivons les mêmes règles que tout le monde. La seule différence, c'est que nous ne sommes pas soumis à l'obligation de publication. Mais nous devons tenir ces mesures à la disposition du CSA qui bien souvent les contrôle", explique Benoît Laporte, directeur de l'antenne francophone de France 24 chargé de la supervision du calcul du temps de parole. "Le CSA considère qu'en tant que chaîne internationale, nous n'avons pas le même impact sur le public national. C'est logique, la majorité de notre public ne se situe pas en France."

Numerama s'étonne également de l'absence d'Arte. La réponse du CSA : la chaîne dispose d'un statut spécial et est "soumise à la surveillance et au contrôle des seuls sociétaires". De même pour LCP et Public Sénat qui dépendent uniquement des deux assemblées constituant le Parlement.

Quid des chaînes YouTube des candidats ou de leur live ?

Pour l'élection présidentielle 2017, YouTube a fait irruption dans les moyens de communication des candidats. Jean-Luc Mélenchon a ouvert la voie et peut se targuer de posséder aujourd'hui plus de 222 000 abonnés. Florian Philippot l'a imité ainsi que Benoît Hamon. Jean-Luc Mélenchon, le leader de la France insoumise, utilise également les possibilités offertes par YouTube et Facebook Live pour diffuser ses meetings.

La bonne nouvelle pour ce dernier, c'est qu'il n'a pas à craindre de voir le CSA lui imposer de limiter ses retransmissions ou le nombre de ses vidéos au motif du principe d'équité ou d'égalité. Dans sa recommandation, le CSA précise bien que ses prérogatives ne s'étendent "pas aux services qui, exclusivement accessibles par voie de communication au public en ligne, sont consacrés à la propagande électorale des candidats ou des formations politiques qui les soutiennent."

Qu'en est-il des sites internet des médias ?

Aujourd'hui, la plupart des médias possèdent un site internet adossé. Il est légitime de se demander si l'égalité du temps de parole et d'antenne est aussi surveillée sur ceux-ci. Interrogé sur ce sujet, le CSA explique que les contenus des sites web sont exclus de son champ de compétence. En clair, si la rédaction d'une chaîne d'info venait à produire une vidéo ou un enregistrement d'un candidat destiné uniquement au site web et ne passant pas sur son antenne, celui-ci n'est pas comptabilisé dans le décompte. Par exemple, cette vidéo ne compte pas dans le décompte tenu par france 24.

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Toutefois, le CSA sait aussi vivre avec son temps. À l'heure où tous les médias développent leur offre vidéo, le Conseil explique que la directive services de médias audiovisuels à la demande (Smad) était en cours de rediscussion au niveau européen et que celle-ci pourrait être amenée à étendre les compétences du CSA dans les prochaines années.

Les sujets sur les affaires de François Fillon ou du Front national font-ils partie du temps de parole ?

Tout reportage consacré à un candidat ou à un de ses soutiens est décompté dans le temps de parole et d'antenne du candidat, de même que les interventions de celui-ci sur des plateaux ou d'un de ses soutiens.

Cependant depuis quelques semaines, l'actualité judicaire se mêle à l'actualité politique. Les affaires sur les présumés emplois fictifs de la famille Fillon ou ceux des assistants parlementaires du Front national au Parlement européen occupent la une de l'actualité. De quoi faire grimper significativement le temps d'antenne des candidats à leur détriment ?

Pas exactement. Le CSA a ménagé des exceptions. Ainsi, si un reportage, ou une discussion d'éditorialistes, est consacré à un candidat et lui est explicitement défavorable, le temps d'antenne n'est pas comptabilisé. En clair, si une chaîne diffuse un reportage sur les différentes étapes de l'affaire Fillon, il ne sera pas comptabilisé comme du temps d'antenne. En revanche, si un candidat se défend ou qu'un de ses soutiens expose des arguments, alors le temps est compté. Enfin, si un candidat concurrent de François Fillon le critique explicitement alors c'est le temps de cet autre candidat qui est décompté.

À quelles sanctions s'exposent les médias contrevenants ?

Pour faire respecter les règles permettant l'expression du pluralisme, le CSA dispose de plusieurs moyens et procède de manière graduée. Il commence par une lettre de mise en garde ou d’une lettre de rappel ferme à la réglementation. Puis le CSA mettra en demeure le média. Enfin, le CSA demandera des sanctions en saisissant un rapporteur indépendant du Conseil d'État. Peuvent alors être prononcées des amendes voire des suspensions.

"Mais cela n'arrive jamais", explique-t-on du côté du CSA. "Dans notre mission de respect du pluralisme, il y a une interaction permanente avec les médias, ce qui permet de corriger les écarts assez rapidement. Nous ne sommes pas un gendarme mais un régulateur."

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