Dans la tourmente depuis les révélations sur les emplois présumés fictifs de sa femme, François Fillon a martelé lundi devant la presse que "tous les faits évoqués" étaient "légaux et transparents". Mais des questions subsistent.
"Je n’ai rien à cacher", a affirmé François Fillon, lundi 6 février, devant plus de 200 journalistes réunis dans son QG de campagne porte de Versailles à Paris. Droit dans ses bottes, le candidat à la présidentielle a tenu à reprendre en main sa ligne de défense, défaillante jusqu’à présent, en affirmant à plusieurs reprises n’avoir jamais enfreint la loi. Il a notamment affirmé que son épouse, recrutée en tant qu’attachée parlementaire entre 1998 et 2012, avait "pris en charge des tâches simples mais essentielles", en évoquant la gestion du "courrier" et celle de "l'agenda pour les événements locaux". Mais des questions subsistent.
- François Fillon, élu en 2012 député de Paris, avait-il le droit de recruter son épouse en tant qu’attachée parlementaire dans la Sarthe ?
"C'est elle qui a géré le courrier, qui a tenu mon agenda. Elle a travaillé sur mes interventions, m'a représenté pour des manifestations. La liste de ce qu'elle a fait ne s'arrête pas là. Son travail était indispensable", indique François Fillon.
Mais l’activité de Penelope Fillon pendant le mandat législatif de son mari à Paris reste floue. "Quand François Fillon évoque la légalité du travail effectué par son épouse, il a totalement raison", estime Thierry Besnier, assistant parlementaire et secrétaire général du Syndicat national des collaborateurs parlementaires-FO. Selon le site de l’Assemblée nationale, le député recrute librement ses collaborateurs, licencie, fixe les conditions de travail et le salaire de son personnel, dans le respect des dispositions du Code du travail. "En revanche, l’embaucher dans la Sarthe alors qu’il est député de Paris, ça n’a pas de sens, ce n’est pas moral", nuance-t-il.
Reste qu’aucun contrôle n’est possible sur le travail effectué. "Nous sommes dans un statut à part, a ajouté le syndicaliste. Nous ne sommes pas des salariés comme les autres. Nous n’avons ni convention collective, ni grille de salaires."
- Le Monde a affirmé, lundi 6 janvier, que sa fille aînée Marie l'avait aidé dans l’écriture de son livre en 2006. En avait-elle le droit ?
Selon Gérard Davet et Fabrice Lhomme, les journalistes du Monde, François Fillon a demandé à sa fille Marie de l'aider — moyennant rémunération — à écrire son ouvrage "La France peut supporter la vérité", publié en 2006. "Elle a beaucoup aidé pour mon livre", a-t-il déclaré aux enquêteurs lors de son audition le 30 janvier. "Elle a fourni un gros travail documentaire", a-t-il ajouté, en précisant qu'elle avait aussi travaillé pour lui sur des "questions constitutionnelles".
Quatre jours plus tôt, il affirmait sur TF1 avoir "rémunéré, pour des missions précises, deux de [s]es enfants qui étaient avocats, en raison de leurs compétences". Ces compétences juridiques étaient-elles nécessaires pour aider à l'écriture de son livre ?
Lors de la conférence de presse, il a également invoqué la séparation des pouvoirs pour affirmer que la justice n'avait pas le droit de juger du contenu des activités de ses assistants parlementaires. "Il n’y a en effet aucun contrôle possible, a réagi Thomas Besnier. Toute la question est de savoir si le travail effectué est relatif à la fonction législative du parlementaire".
Sur le site de la maison d‘édition Albin Michel, il est précisé qu’avec cet ouvrage, "François Fillon [sénateur de la Sarthe à cette époque] nous entraîne dans les coulisses du pouvoir, là où se disputent les idéaux et les réalités, les vertus et les coups bas." Une thématique peut-être bien éloignée du travail parlementaire dans une circonscription rurale.
- Son épouse a-t-elle "jamais été son assistante" ?
"Comment peut-on imaginer un seul instant que mon épouse, qui a collaboré avec moi depuis près de 30 ans, principalement dans le département de la Sarthe et ma circonscription, puisse l'avoir fait à l'insu de son plein gré ? Oui mon épouse était au courant, mon épouse est ma collaboratrice", a affirmé François Fillon pour réagir à l’interview réalisée en 2007 par le Sunday Telegraph. Sauf qu’il a affirmé que "la journaliste qui a accompli cette interview s'est manifestée personnellement auprès de mon épouse pour lui dire à quel point elle était choquée par l'utilisation qui avait été faite des morceaux de cette interview".
Or, ces affirmations ont rapidement été démenties par la journaliste Kim Willsher sur Twitter, où elle a sèchement répondu au candidat de la droite.
Le démenti de Kim Willsher sur Twitter (1/2)
Non M. #Fillon ! Les propos d'Envoyé Special n'ont pas été sortis de leur contexte. Le reportage ne m'a pas choqué. SVP. Cessez ...(1/2)
— Kim Willsher (@kimwillsher1) 6 février 2017Le démenti de Kim Willsher sur Twitter (2/2)
...de m'attribuer ces propos. L'interview et le film sont dans le domain publique. LES FAITS. SVP. (2/2).
— Kim Willsher (@kimwillsher1) 6 février 2017- Y a-t-il eu trafic d'influence ?
La question reste pour l’heure sans réponse. Selon Le Monde, les magistrats du Parquet national financier enquêtent sur un potentiel trafic d'influence lié à l’activité de Penelope Fillon à la Revue des deux Mondes, dont le patron, Marc Ladreit de Lacharrière, a été décoré de la très convoitée grand-croix de la Légion d'honneur l'année précédant son embauche. Penelope Fillon aurait perçu une rémunération brute d’environ 100 000 euros pour ce travail entre 2012 et 2013.
François Fillon n'a pas abordé cette affaire lors de sa conférence de presse et n'a pas été interrogé non plus. Son avocat Antonin Lévy assure que l'embauche de Penelope Fillon "n'a aucun lien" avec la décoration du propriétaire de la Revue des deux mondes. Une distinction qui "était pleinement justifiée", a-t-il précisé aux journalistes du Monde. Marc Ladreit de Lacharrière, a lui affirmé lundi à l'AFP que l'emploi de Penelope Fillon "n'a rien de fictif" et se dit "très choqué" du lien fait avec sa Légion d'honneur.