Un rapport de 35 pages agite les États-Unis à quelques jours de l'investiture de Donald Trump. Selon le Wall Street Journal, l'ancien espion du MI 6 qui serait à l'origine du "dossier russe de Trump" s'appelle Christopher Steele.
Une grande maison de briques rouges dans la banlieue de Londres, une femme, quatre enfants, trois chats. Christopher Steele semble avoir la vie rangée de "Monsieur Tout-le-monde". Pourtant, cet ancien agent du MI6, les services secrets britanniques, serait l'auteur du rapport sur des informations compromettantes détenues par les Russes à propos de Donald Trump.
C'est le Wall Street Journal qui le premier a identifié cet anglais de 52 ans comme celui qui serait à l'origine du document de 35 pages qui agite l'Amérique, à quelques jours de l'investiture de Donald Trump. Il y est affirmé que les Russes disposeraient de preuves des frasques sexuelles du président élu permettant de le faire chanter. Un rapport qualifié de "bidon" par le principal intéressé lors de sa première conférence de presse.
Jeudi 12 janvier, l'AFP s'est rendue dans le village de Runfol pour visiter la maison de l'homme par qui le scandale est arrivé. Les journalistes l'ont trouvée inoccupée. Christopher Steele serait parti sans laisser d'adresse pour se mettre au vert, laissant le soin de nourrir ses chats à l'un de ses voisins.
Un ancien du MI6 passé dans le privé
Selon d'anciens responsables du renseignement britannique, Christopher Steele a passé plusieurs années à travailler pour le MI6 sous couverture diplomatique, en Russie ainsi qu'à Paris, ainsi qu'au Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth (FCO) à Londres.
Le correspondant sécurité de la BBC, Frank Gardner, l'a également qualifié "d'agent respecté du renseignement [qui a] commencé une seconde carrière autour de la cinquantaine [dans le privé où ces ex-agents] travaillent pour beaucoup plus d'argent et avec bien plus de liberté".
En effet, selon sa page LinkedIn, le britannique est aujourd'hui l'un des deux directeurs du cabinet de conseil londonien "Orbis Business Intelligence", une entreprise fondée, selon son site Internet, en "2009 par d'anciens professionnels des services secrets britanniques".
"Nous fournissons des conseils stratégiques, organisons des opérations destinées à rassembler des informations et conduisons des enquêtes complexes, souvent transnationales", explique l'entreprise sur son site internet. Basée à Londres, la firme revendique "une empreinte mondiale".
Un agent respecté
Avec Orbis, Christophe Steele s'est notamment illustré en fournissant au FBI des informations sur des faits de corruption à la Fédération internationale de football (FIFA). Selon les personnes au fait des activités de Steele interrogées par Reuters, Orbis Business Intelligence avait été engagée par la Fédération anglaise de football (FA) pour enquêter sur la FIFA. À l'époque, la FA pensait accueillir les Coupes du monde de football de 2018 ou de 2022, finalement attribuée à Moscou et au Qatar.
L'équipe du FBI qui a rencontré Christopher Steele a ensuite ouvert la grande enquête sur la corruption au sein de la FIFA qui a débouché sur de multiples inculpations aux États-Unis en 2015. De hauts dirigeants du football mondial, et notamment le président de la FIFA Sepp Blatter, ont été contraints de démissionner.
Ces faits d'armes ont ainsi donné du crédit au rapport incriminant Donald Trump.
Mandaté pour torpiller Trump ?
Pour constituer le "dossier Trump", Christopher Steele aurait été engagé par FusionGPS, une société d'études politiques de Washington. Il s'agissait d'enquêter sur le milliardaire new-yorkais pour le compte de républicains non identifiés qui voulaient stopper sa candidature à l'investiture du parti en vue de la présidentielle du 8 novembre 2016. Un journaliste de la BBC a pointé du doigt Jeb Bush comme le commanditaire avant de revenir sur ses paroles. L'intéressé a également démenti via son porte-parole.
Après l'investiture de Trump par le Parti républicain en juillet dernier, Christopher Steele est resté missionné par FusionGPS et ses informations ont été transmises à des dirigeants du Parti démocrate et à certain journaliste.
Les relations de Christopher Steele avec le FBI à propos de Trump remontent à juillet 2016. Mais l'ancien espion britannique a coupé le contact avec le FBI environ un mois avant l'élection présidentielle du 8 novembre parce qu'il trouvait que le FBI n'enquêtait pas sérieusement sur les données qu'il avait fournies, indiquent des personnes au fait de l'enquête, citées par Reuters.
Des zones d'ombres
Un ancien responsable du ministère britannique des Affaires étrangères qui connait cet ancien agent depuis vingt-cinq ans et le considère comme un ami, a assuré au Guardian que "l'idée que son travail puisse être un faux ou une opération digne des pieds nickelés est complètement incorrecte. Chris est un professionnel expérimenté et très estimé. Ce n'est pas le genre de personne qui colporterait des ragots".
Une autre source, un ancien acteur du renseignement passé dans le secteur privé, a cependant indiqué sous couvert d'anonymat à l'AFP que l'anglais dans lequel est écrit le rapport laisse penser que des passages n'ont pas été rédigés par un Britannique, mais plutôt probablement "par un sous-traitant russe".
Cette source estime que le rapport a été écrit dans l'urgence et que "des passages ont été copiés-collés des informations transmises par le sous-traitant sans être remis en question". Elle ajoute qu'elle aurait immédiatement licencié l'auteur d'un tel rapport.
Avant d’être rendues publiques par Buzzfeed mardi au nom de "la transparence", les informations de Christopher Steele ont circulé pendant plusieurs mois dans les rédactions des grands médias américains, mais ni eux, ni le FBI, ni les services de renseignements n'ont pu les recouper. Les accusations étaient cependant jugés suffisamment sérieuses pour que le président élu et le président en exercice en soient informés.
Avec AFP et Reuters