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La BCE a décidé de continuer à injecter des milliards d’euros dans l’économie européenne et à maintenir ses taux à 0 %. Une décision qui va permettre à l’Italie de se donner du temps pour sauver ses banques. Mais l’Allemagne grince des dents.

Mario Draghi a tranché. Le patron de la Banque centrale européenne (BCE) a préféré aller dans le sens des intérêts italiens plutôt que de se plier aux suppliques allemandes de resserrer les cordons de la bourse européenne. La principale institution monétaire européenne conserve son principal taux directeur à 0 %. Elle a aussi prolongé de six mois sa politique de “quantitative easing” (QE ou assouplissement quantitatif) qui consiste à injecter des milliards d’euros dans le circuit monétaire en rachetant des dettes d’États ou d’entreprises privées.

L’intérêt de cette mesure - qui a déjà permis de déverser plus de 100 milliards d’euros sur les marchés financiers européens - est double. Le but principal du QE est de doper la croissance car ces liquidités doivent, en théorie, être utilisées par les banques pour accorder des prêts aux entreprises et aux particuliers, stimulant l’activité économique.

L’Italie peut dire merci à l’Italien

Mais c’est l’autre effet de l’assouplissement quantitatif qui importe à l’Italie. En rachetant des dettes d’États européens, la BCE démontre qu’elle est prête à intervenir pour soutenir des économies en difficulté, ce qui rassure les autres investisseurs et participe du coup à éviter que les taux auxquels les pays peuvent emprunter s’envolent (le taux d’intérêt est le reflet du risque pour un investisseur de prêter de l’argent).

Sans l’action de la Banque centrale européenne, l’Italie devrait supporter un taux d’intérêt aux alentours de 10 % pour des emprunts à dix ans contre 2 % actuellement, a calculé la chaîne allemande d’informations en continu N-tv. Rome, capable ainsi de lever de l’argent sur les marchés sans se ruiner, peut remercier Mario Draghi.

Le QE permet au pays de ne pas être trop sous pression des Bourses, ce qui lui confère du temps pour tenter de mettre en ordre son secteur bancaire. Plombés par les créances douteuses, les banques italiennes apparaissent actuellement comme le maillon faible de l’économie européenne. Pour beaucoup, dont Mario Draghi, les sauver relève de la priorité.

Critiques allemandes

Un avis que l’Allemagne ne partage pas. Pour la plupart des commentateurs, Mario Draghi n’arrive plus à se défaire de ses habits de “Saint-Patron des pays en difficulté”, écrit le quotidien Die Zeit. Il serait temps, d’après le journal, qu’il prenne ses décisions en fonction de considérations monétaires plutôt que politiques. Voler au secours des banques italiennes est du ressort des “gouvernements européens et non pas de Mario Draghi”, juge, pour sa part, le magazine Spiegel.

Les médias allemands se font ainsi l’écho du ressentiment d’une part importante des responsables politiques allemands à l’égard de Mario Draghi. Le très influent ministre des Finances, Wolfgang Schäuble veut que l’assouplissement quantitatif - “je ne sais pas ce que ça veut dire”, a-t-il dédaigneusement assuré il y a deux mois - prenne fin au plus vite. La Banque centrale européenne devrait se concentrer sur son rôle de lutte contre l’inflation au lieu de “jouer au ministre de l’Économie bis”, a estimé Sigmar Gabriel, le vice-Chancelier allemand et leader du SPD, le parti de centre-gauche.

Les autorités allemandes ne condamnent pas le principe du QE, mais estiment qu’il est “adapté lorsque la situation économique est difficile, alors qu’elle s’est largement améliorée même dans les pays les plus en difficulté comme l’Espagne, l’Italie et la France”, note Die Zeit.

Le risque, souligne le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung, est que tout cet argent facile créé des “bulles financières encore invisible mais qui vont exploser en causant des dommages économiques importants”. Les investisseurs vont tous se ruer sur certains secteurs - comme l’immobilier ou les valeurs technologiques - pour essayer de faire des profits grâce à l’argent de la BCE, ce qui risque de créer des bulles spéculatives.