
Porté par une participation massive avec près de 4 millions d’électeurs, François Fillon (44,2 %) est arrivé largement en tête du premier tour de la primaire de la droite et du centre, devant Alain Juppé (28,6 %) et Nicolas Sarkozy (20,6 %), éliminé.
Les sondeurs ne pourront pas être accusés de ne pas avoir vu venir la vague Fillon. Mais ils pourraient bien se voir reprocher de l’avoir sous-estimée ? Car si les enquêtes d’opinion montraient depuis deux semaines une forte poussée de l’ancien Premier ministre, aucune n’a indiqué qu’elle serait aussi puissante et que le candidat Fillon recueillerait plus de 44 % des voix, selon des résultats quasi-définitifs portant sur plus de 90 % des bureaux de vote. Forte d'une participation de près de 4 millions d'électeurs, cette vague a tout balayé sur son passage, dimanche 20 novembre, permettant à François Fillon de reléguer Alain Juppé loin derrière à 28,6 % et même se payer le luxe d’éliminer de la course l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy (20,6 %).
Comment expliquer ce succès ? La première grande force de François Fillon aura d’abord été de toujours croire en ses chances. Même quand tous les sondages le plaçaient en quatrième position, à environ 10 % d’intentions de vote, lui affirmait à qui voulait l’entendre qu’il serait présent au deuxième tour. Candidat à la présidentielle depuis le printemps 2013, le député de Paris a pris le temps de faire campagne en allant à la rencontre des Français, dans l’Hexagone, mais aussi en outre-mer et à l’étranger. Et alors que les sondages le donnaient largement battu il y a encore un mois, il citait justement ses rencontres avec les Français "sur le terrain" pour accréditer sa thèse d’une présence au second tour.
"Depuis des mois et des mois, je trace mon sillon calmement"
Dimanche soir, après s’être félicité de la très forte participation au premier tour, c’est donc cette campagne au plus près des Français, à l’ombre des caméras, qu’il a d’abord voulu mettre en avant. "Depuis des mois et des mois, je trace mon sillon calmement, sérieusement, avec un projet précis, puissant, a-t-il affirmé lors de son discours. Autour de nous une dynamique puissante est enclenchée. Je suis porté par celles et ceux qui veulent redresser la France et qui assument un langage de vérité."
Les résultats sont également sans appel sur les attentes des électeurs de droite : une très grande majorité d’entre eux ne veut ni de l’alternance version Alain Juppé et qualifiée de "molle" par Nicolas Sarkozy, ni d’un retour en arrière avec un ancien président qui n’a cessé de jouer la surenchère droitière durant sa campagne.
Ayant au contraire fait de la libération de l’économie et du retour de l’autorité de l’État ses deux principaux thèmes de campagne, François Fillon a ainsi parfaitement su identifier ce qui était primordial pour les électeurs de sa famille politique. "Partout mes compatriotes m’ont dit leur volonté de changement face à un système bureaucratique qui brise leur énergie, a-t-il souligné. Partout ils m’ont dit leur volonté d’autorité. Partout ils m’ont dit leur volonté d’être respectés en tant que Français."
Enfin, François Fillon a pour lui d’avoir clairement exposé sa vision, son programme et sa méthode pour transformer la France, sans changer de position au moindre fait divers ou à la publication de tel ou tel sondage. Son sérieux et ses convictions ont été soulignés à de maintes reprises par ses soutiens, notamment lors de son dernier meeting de campagne à Paris, vendredi 18 novembre.
Juppé condamné à jouer la carte du modéré face à Fillon le libéral
Longtemps largement en tête dans les sondages, Alain Juppé a, lui, frôlé la correctionnelle. Il se qualifie confortablement pour le deuxième tour vis-à-vis de Nicolas Sarkozy mais est bien conscient qu’il n’a manqué que quelques points à François Fillon pour l’emporter dès le premier tour. À tel point que ses premiers mots, dimanche soir, ont été pour rassurer ses soutiens. "J’ai décidé de continuer le combat !", a-t-il ainsi lancé à son QG.
Il devra toutefois compter sur un autre ressort que l’anti-sarkozysme – désormais caduque – pour créer "l’autre surprise" qu’il appelle de ses vœux au second tour face à François Fillon. Il est fort probable qu’il joue l’unique carte à sa disposition : à savoir celle de "Juppé le modéré" contre "Fillon le libéral", en mettant en avant la pondération de ses réformes économiques en comparaison avec celles de son adversaire. C’est d’ailleurs ce qu’il a clairement laissé entendre dimanche soir, déclarant vouloir "rassembler les Français autour de réformes crédibles" et allant jusqu’à affirmer que son duel qui s’engageait face à François Fillon était "un combat projet contre projet".
Mais de tels arguments ne sont susceptibles de convaincre que les électeurs du centre-droit, du centre et de la gauche. Or, avec seulement entre 12 % et 15 % d’électeurs sympathisants de la gauche ayant pris part au vote, dimanche, selon l’institut Elabe, et, surtout, l’élimination de Nicolas Sarkozy dès le premier tour, difficile d’imaginer cet électorat faire l’effort d’aller voter le 27 novembre alors même qu’Alain Juppé est déjà donné perdant.
La ligne Sarkozy-Buisson définitivement mise en échec
Pour l’ancien chef de l’État, enfin, cette défaite marque l’échec de son retour en politique. Revenu aux affaires en 2014 avec comme unique objectif de retrouver l’Élysée, Nicolas Sarkozy n’a jamais réussi à convaincre les électeurs de droite qu’il réussirait à faire lors du prochain quinquennat ce qu’il n’a pas fait entre 2007 et 2012. Cela fait déjà dix ans que ces derniers attendent la rupture. Ils ont aujourd’hui cessé de croire en un Nicolas Sarkozy qui a, une fois de plus, privilégié durant sa campagne les discours identitaires aux discours réformistes. Comme en 2012, la ligne Patrick Buisson, qui consiste à adopter des thématiques et des positions du Front national afin de capter une partie de son électorat, a donc définitivement montré ses limites. C’est sans doute sur cette défaite que s’achève la carrière politique de l’ancien président de la République, qui a annoncé dimanche soir qu’il voterait pour François Fillon au deuxième tour.
Outre le ralliement de Nicolas Sarkozy, le grand vainqueur de la soirée peut également compter sur celui de Bruno Le Maire (2,4 %). Nathalie Kosciusko-Morizet (2,6 %), en revanche, préfère soutenir Alain Juppé "pour défendre [ses] idées". Jean-Frédéric Poisson (1,5 %) et Jean-François Copé (0,3 %), en revanche, ne se sont pas encore prononcés.
La bataille de l’entre-deux-tours est donc bel et bien engagée. Un sondage Ifop Fiducial, diffusé le 17 novembre, donnait les deux concurrents à égalité (50-50) en cas de duel au deuxième tour. Un autre sondage, réalisé par Opinionway et diffusé le 15 novembre, donnait François Fillon vainqueur à 54 % face à Alain Juppé (46 %). À la vue des résultats de dimanche soir, tout laisse à penser que l’écart sera en réalité bien plus important. Mais qui sait ? Les dernières élections, à l’étranger ou lors de ce premier tour, ont montré que les résultats inattendus sont presque devenus la norme des soirées électorales.