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Deux dirigeants et des députés du HDP, principal parti pro-kurde turc, en garde à vue

Selahattin Demirtas et Figen Yuksekdag, les dirigeants de la principale formation pro-kurde de Turquie, le HDP, ont été placés en garde à vue dans la nuit de jeudi à vendredi. Onze parlementaires ont subi le même sort.

Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, les deux coprésidents du HDP (le "Parti démocratique des peuples"), principal parti pro-kurde de Turquie, ainsi que des députés de cette formation, ont été interpellés et placés en garde à vue dans la nuit du jeudi 3 au vendredi 4 novembre, dans le cadre d'une enquête "antiterroriste" liée au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).

Les autorités turques reprochent aux parlementaires d'avoir refusé de témoigner dans des dossiers liés à "la propagande terroriste", selon leurs avocats. Avec 59 députés, ce parti, farouchement opposé au président Recep Tayyip Erdogan, est la troisième force parlementaire du pays.

Ces arrestations, ordonnées par le parquet de Diyarbakir (sud-est), représentent un coup de filet sans précédent contre le HDP.  Elles risquent surtout d'aggraver un peu plus les tensions dans le sud-est à majorité kurde du pays, déjà secoué par le placement en détention pour "activités terroristes" des deux maires de Diyarbakir, dimanche. Une mesure qui avait déclenché plusieurs manifestations.

Pour le politologue et journaliste turc Cengiz Aktar, ces arrestations constituent une nouvelle étape dans "un mouvement [de répression] crescendo, débuté en juin dernier lorsque l'AKP a perdu la majorité au Parlement".

Deux dirigeants et des députés du HDP, principal parti pro-kurde turc, en garde à vue

Au moins 11 députés placés en garde à vue

Au total, au moins 11 députés du HDP ont été placés en garde à vue, selon une liste diffusée par le parti et par le ministère de l'Intérieur. Parmi eux, figurent des poids lourds, comme Idris Baluken, président du groupe parlementaire HDP, et Sirri Süreyya Önder, figure respectée de la cause kurde.

Une perquisition était en cours vers 04 heures (01H00 GMT) au quartier général du HDP à Ankara, selon les images retransmises en direct par la chaîne d'information NTV.

"Le HDP appelle la communauté internationale à réagir contre ce coup du régime d'Erdogan", a déclaré le parti sur son compte Twitter.

Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag font l'objet de plusieurs enquêtes pour des liens présumés avec les rebelles kurdes. Selon Anadolu, leur placement en garde à vue a été décidé après qu'ils eurent refusé de répondre à des convocations judiciaires.

Ces interpellations surviennent alors que la Turquie vit sous état d'urgence depuis la tentative de coup d'État de juillet. Des ONG accusent les autorités turques de cibler des médias critiques et des opposants sous couvert de lutte contre les putschistes présumés.

"Une très mauvaise nouvelle en provenance de Turquie. Encore. Maintenant, des membres HDP du Parlement sont en train d'être arrêtés", a déploré sur Twitter Kati Piri, rapporteur du Parlement européen sur la Turquie.

L’"Obama kurde"

Le président Erdogan considère que le HDP est étroitement lié au PKK et a fait savoir qu'il ne considérait plus cette formation comme un interlocuteur légitime, qualifiant régulièrement ses membres de "terroristes".

En mai, le Parlement turc a voté la levée de l'immunité des députés menacés de poursuites judiciaires, une mesure contestée visant notamment les élus du HDP.

"Ceux qui veulent nous interroger devront nous emmener par la force. Nous n'irons pas de notre plein gré", avait alors défié Selahattin Demirtas.

Parfois surnommé l'"Obama kurde" en raison de son charisme, Selahattin Demirtas a longtemps été considéré comme un potentiel rival du président Erdogan.

Sous son impulsion, le HDP a élargi sa base électorale au-delà de la seule communauté kurde de Turquie (15 millions de personnes) et s'est transformé en un parti moderne, à la fibre sociale et ouvert aux femmes et à toutes les minorités.

Après l'entrée du HDP au Parlement, en juin 2015, une première qui a contribué à priver le parti AKP au pouvoir de la majorité absolue, Recep Tayyip Erdogan a fait de Selahattin Demirtas sa bête noire, multipliant les attaques personnelles et les accusations de liens avec le PKK.

Le HDP dément être l'"aile politique" du PKK et accuse le président turc de vouloir instaurer un régime dictatorial.

Ce vaste coup de filet nocturne intervient dans un contexte très tendu dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie, ensanglanté par des combats quotidiens entre forces de sécurité et membres du PKK, une organisation classée "terroriste" par Ankara, Washington et Bruxelles.

Par ailleurs, l'accès aux réseaux sociaux et à des applications de messagerie était fortement perturbé vendredi, quelques heures après l'arrestation des élus kurdes.

La plate-forme de surveillance TurkeyBlocks a indiqué avoir "détecté des restrictions d'accès à plusieurs réseaux sociaux dont Facebook, Twitter et YouTube à partir de vendredi à 1h20 (22h20 GMT jeudi)".

Avec AFP