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Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a prôné mercredi une Europe plus sociale et protectrice lors de son discours sur l’état de l’Union. Face à une UE en crise, il a proposé "un agenda positif pour les 12 prochains mois".
C’était une intervention très attendue. Pour son second discours sur l'état de l'Union, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a prôné mercredi 14 septembre une Europe plus sociale, protectrice à l'intérieur comme sur ses frontières extérieures, pour relancer une Union européenne en crise avec le départ du Royaume-Uni et la montée des populismes.
Au cours de son allocution, prononcée devant le Parlement européen à Strasbourg, à deux jours du sommet de Bratislava où les Vingt-Sept doivent se pencher sur l'avenir de l'UE, Jean-Claude Juncker a proposé "un agenda positif pour les 12 prochains mois".
"L'Europe n'est pas au mieux de sa forme", a-t-il reconnu d'emblée en évoquant "une crise existentielle".
"L'Europe ne doit jamais devenir un État"
"Il y a trop de domaines dans lesquels nous ne coopérons pas assez, ce sont souvent des intérêts nationaux qui sont poursuivis", a-t-il ajouté avant de concéder que "l'intégration européenne ne peut pas se faire au détriment des peuples" et que "l'Europe ne doit jamais devenir un État".
Confronté à la fronde de plusieurs pays d'Europe centrale qui refusent le plan de relocalisation des réfugiés, l'ancien Premier ministre luxembourgeois s'est gardé de revenir directement sur le sujet, qui était au cœur de son discours de l'an passé, pour parler croissance, emploi et droits sociaux.
"L'Europe doit être à l'origine d'une économie sociale, sans dumping social", a-t-il déclaré, relayant une revendication de la gauche, aujourd'hui partagée à droite dans les pays de l'Ouest confrontés au problème des "travailleurs détachés".
Alors que la firme américaine Apple vient d'être condamnée par la Commission à rembourser à l'Irlande 13 milliards d'euros au titre de l'impôt sur les bénéfices, il a affirmé que "toute entreprise doit payer ses impôts là où ses bénéfices sont générés".
Quant au pacte de stabilité, qui impose des règles strictes aux États de la zone euro en termes d'endettement et de déficit budgétaire, il doit être appliqué "avec flexibilité de manière à ce qu'il ne fasse pas obstacle à la croissance".
Gardes-frontières
Le président de la Commission a également annoncé le doublement en volume et en durée du plan d'investissement qu'il a lancé en 2014. Le "plan Juncker", qui consiste à mobiliser 21 milliards d'euros de fonds et de garanties européennes pour attirer des capitaux privés et générer 315 milliards d'euros d'ici 2017, serait porté à 500 milliards d'ici 2020, voire 630 milliards d'ici 2022.
Il a également annoncé l'envoi de 200 gardes-frontières supplémentaires en Bulgarie et une nouvelle procédure d'enregistrement des personnes arrivant aux frontières extérieures de l'UE.
Prônant une Europe qui "protège", il a invité les États membres à se saisir de la disposition du traité de Lisbonne autorisant la mise en commun de certaines de leurs capacités de défense, relayant une proposition formulée voici deux jours par la France et l'Allemagne.
"C’est peut être la grande annonce de ce discours, cette Europe de la défense qui se renforce enfin", a commenté Isabelle Jégouzo, chef de la représentation de la commission européenne à Paris, interrogée sur le plateau de France 24. "Ce n’est pas suffisant d’être un 'soft power', c'est aussi nécessaire d'être une puissance qui s’affirme et qui est capable de se défendre", a-t-elle poursuivi.
"Faire l'Europe ensemble"
Jean-Claude Juncker a également eu un mot pour le Royaume-Uni et son peu d'entrain, presque trois mois après le référendum en faveur du Brexit, à invoquer l'article 50 du traité européen qui entraînera son départ de l'Union européenne dans les deux ans qui suivent. "Nous serons heureux que la demande du Royaume-Uni nous parvienne rapidement pour mettre fin aux incertitudes", a-t-il lancé avant de souligner que "le marché intérieur, la libre circulation ne peuvent pas être à la carte".
"Il faut laisser le temps aux Britanniques de se mettre en ordre de bataille, mais ce que l’on voit c’est qu’au lendemain du Brexit, personne ne sait quoi faire. Les promesses qui avaient été faites par les partisans du Brexit étaient des mensonges", a estimé Isabelle Jégouzo.
La diplomate a vu dans le disours de Juncker "un appel très fort à l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement qui vont se retrouver à Bratislava la semaine prochaine à faire avancer le projet européen".
Isabelle Jégouzo a fustigé l’attitude de certains dirigeants européens. "Ça doit être la fin de comportements qui se développent depuis des années, où tous les succès sont des succès nationaux et tous les échecs sont des échecs européens. La demande du président Juncker c'est : ‘Nous devons faire l'Europe ensemble'", a-t-elle insisté.
Avec AFP