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De plus en plus critiqué depuis le début du mouvement de protestation qui secoue l’Iran, l’ayatollah Khamenei peut-il être poussé vers la sortie ? Focus sur les rouages politiques d’un pays en proie à sa plus grave crise depuis 1979.

"Mort au dictateur !", "Mort à Khamenei !" Fait inédit depuis l’avènement de la République islamique en 1979, des Iraniens ont osé scander des slogans s’en prenant violemment à la plus haute autorité du pays, l’ayatollah Ali Khamenei.


Samedi 20 juin, au huitième jour du bras de fer entre le pouvoir et l’opposition, le candidat réformiste à la présidentielle, Mir Hossein Moussavi, a publié une lettre dans laquelle il accuse, sans le nommer, le Guide suprême de mettre en danger le caractère républicain de la République islamique. Jamais dans l’histoire du pays un chef de l’État n’avait essuyé autant de critiques. Et pas seulement de la part de l’opinion publique.


"Les grands ayatollahs commencent à prendre position contre la répression, observe, sur le plateau de FRANCE 24, Karim Pakzad, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Ils demandent même que les résultats de l’élection soient réexaminés." La pression exercée sur l’ayatollah Khamenei est telle que nombre d’observateurs s’interrogent sur son avenir à la tête du pays. Le premier personnage du régime peut-il toutefois être poussé vers la sortie ?


Désigné par l’Assemblée des experts pour une durée indéterminée, le Guide suprême est le chef des forces armées et de la sécurité. Clé de voûte d’un système fonctionnant en circuit fermé, c’est lui qui détermine les grandes lignes de la politique du pays. Et nomme le chef du Conseil des gardiens de la Constitution, celui de la Cour suprême, le Procureur général, le directeur de la radio et de la télévision d’État. Enfin, il peut révoquer le président de la République avec l’aval de la Cour suprême.

Le Guide de la révolution n’est pourtant pas intouchable. Son action est soumise à l’examen attentif de l’Assemblée des experts. Dirigé par l’ex-président de la République (1989-1997) et richissime homme d’affaires Akbar Hachémi Rafsandjani, cet organe composé de 86 mollahs élus au suffrage universel direct peut démettre le Guide de ses fonctions. En théorie du moins...

Le clan Rafsandjani dans le collimateur

Resté silencieux depuis le mouvement de contestation qui secoue les plus grandes villes du pays, Rafsandjani, grand adversaire du président Mahmoud Ahmadinejad, est soupçonné d’œuvrer en coulisses à la chute d’Ali Khamenei. Celui qui préside également le Conseil de discernement aurait, dit-on, soutenu financièrement la campagne de Moussavi. Et serait allé chercher dans la puissante ville-sainte de Qom le soutien des hauts dignitaires du chiisme. Sans être sûr que cela suffise.


Car, de son côté, le Guide suprême a conservé la haute main sur l’organisation paramilitaire des Gardiens de la révolution (les pasdarans) qui constituent son principal instrument d’oppression. Samedi, à Téhéran, Faezeh Rafsandjani, la fille de l’ancien président, et plusieurs de ses proches ont été emmenés de force par la police alors qu’ils participaient à un rassemblement. Relâchée depuis, Faezeh Rafsandjani figure parmi les plus virulents opposants au régime actuel, n’hésitant pas à prendre la parole lors des manifestations organisées dans les quatre coins du pays.


Mais bien plus que l’ayatollah Ali Khamenei, ce sont les fondements de la République islamique qui sont menacés. Quelle que soit l’issue des événements qui ébranlent le pays, le système risque d’être profondément fragilisé par les jeux de pouvoir, les luttes de clans et les guerres intestines. Bref, par tout ce que la jeunesse iranienne, aujourd’hui dans la rue, rejette en bloc. Et entend voir disparaître.