, envoyé spécial à Rio de Janeiro – Après trois années de dur labeur, 23 judokas amateurs de Villeneuve-le-Roi, en région parisienne, se sont rendus à Rio pour soutenir Teddy Riner et l'équipe de France de judo. France 24 les a suivis tout au long de la journée de vendredi. Reportage.
Il est un peu plus de 18 heures à Rio de Janeiro lorsque la Marseillaise retentit à deux reprises dans l'Arena Carioca 2 du parc olympique des JO-2016. Coup sur coup, le judo vient de rapporter à la délégation française deux nouvelles médailles d'or, avec les triomphes d'Émilie Andéol et de Teddy Riner.
Dans l'une des tribunes de l'enceinte, une quarantaine de bras se lèvent en même temps. Des "Teddy ! Teddy !" descendent des travées, tandis que les plus émotifs essuient discrètement quelques larmes. Pour ce petit groupe de supporters, l'émotion est grande... Cet instant où Riner, double champion olympique chez les + de 100 kg, exhulte sur le tatami, ils en rêvaient depuis trois ans.
Avec @y_bux nous avons suivi Le Randoris club judo (94) à #Rio2016
Ici après la victoire de Teddy Riner!@F24Sport pic.twitter.com/Q6q7WZGCWi
Pour venir aux Jeux de Rio, les membres du Randoris Club Judo de Villeneuve-le-Roi, en région parisienne, ont dû faire des sacrifices. Trois années à solliciter des mécènes, à organiser des tombolas, des lotos ou à vendre du muguet... Et à travailler corps et âme à la matérialisation de ce doux rêve. "Il y a trois ans, nous avons eu l'idée de monter le projet Rio-2016 pour que des enfants et d'autres adhérents du club puissent venir voir les compétions au Brésil. Et durant ces trois années, on a tout fait ! On a organisé des animations, monté des spectacles, accueilli des lotos, vendu des crêpes, tenu des buvettes, organisé des brocantes", raconte André Leclercq, bénévole et membre du bureau du club francilien.
Un programme digne des Jeux olympiques pour les 160 adhérents de cette petite structure, qui ont tous mis la main à la pâte. "L'idée est venue de Karim Dahli, notre prof de judo, un ancien athlète de haut niveau, 'sparring-partner' de David Douillet aux JO d'Atlanta. Il avait deux objectifs : fédérer les jeunes autour d'un projet et les fidéliser au club. Et ça a totalement fonctionné : tous les gamins du Randori, même ceux qui ne sont pas partis, se sont fortement mobilisés. Lorsque l'on a vendu du muguet à Villeneuve, par exemple, on a quadrillé les rues de la ville. Et chacun a vendu son brin avec la même envie de concrétiser ce projet commun", se rappelle le président du club Lionel Heemeryck.
La prime à la débrouille
Et toutes les bonnes volontés ont été bienvenues, car le défi était immense : financer un projet de près de 80 000 euros, tout en limitant aux maximum les participations des familles. Finalement, les 22 élus ont tout de même déboursé près de 1 300 euros pour participer à cette aventure. Loin, très loin des 7 000 euros que valent généralement les "packs" proposés par les agences de tourisme spécialisées.
Sans surprise, leur séjour est placé sous le signe de l'économie : en matière de logement, les judokas amateurs ont opté pour une "pousada" (auberge) à Jacarepaguá, à une heure du parc olympique. Un lieu de vie "loin du grand luxe", reconnaissent-ils, mais où ils ont été "très bien accueillis par la population locale". "Vu le temps qu'on y passe, c'est pas très important d'être les uns sur les autres. Pour nous, ce qui compte, c'est d'être le plus souvent sur les sites olympiques, auprès des athlètes", explique André Leclercq.
Pour les repas aussi, c'est la prime à la débrouille. "On a rencontré un Brésilien qui nous a donné une super adresse, une cantine en bordure de la favela la plus proche. On y va tous les soirs et on y fait la fête avec les habitués. On a notre table réservée désormais, et en plus, on y mange très bien.", raconte Lionel Heemeryck.
"Facile d'aller parler" aux athlètes
Mais le cœur de ce voyage, ce n'est ni le tourisme, ni la gastronomie, mais bien évidemment le sport. Et tous s'accordent sur le grand moment de ce périple : le second titre olympique du porte-drapeau de la délégation française Teddy Riner, sacré en + de 100 kg en judo. "Teddy Riner, c'est une montagne, une légende... c'est un modèle pour chacun d'entre nous", reconnaît André Leclercq, des étoiles plein les yeux.
Une passion pour le judoka des Abymes, en Guadeloupe, qui est évidemment partagée par tout le petit groupe. Hugo, 15 ans et ceinture marron, a commencé le judo à 6 ans. Pour lui aussi, la compétition de Riner est "le grand moment que tout le monde attendait", même s'il insiste sur le fait "qu'ils sont à Rio pour soutenir tous les athlètes français". Et les représentants tricolores sont à la hauteur de leurs espérances. "On a pu rencontrer des judokates comme Clarisse [Agbegnenou] ou Automne [Pavia], ou encore Larbi Benboudaoud, le coach des féminines. On a aussi mis une belle ambiance à l'arrivée de Teddy Riner !", s'amuse-t-il.
Une sensation que Tom, 14 ans et lui aussi neuf années de judo derrière lui, partage également : "C'est vraiment sympa d'avoir accès aux athlètes. Ils sont super ouverts, n'ont absolument pas la grosse tête. C'est facile d'aller leur parler, d'aller prendre des photos."
Objectif Tokyo-2020
Pour chacun de ces judokas villeneuvois, le projet Rio-2016 restera donc un très grand souvenir. Mais pour les organisateurs, il constitue tout sauf une fin en soi. Au Randori Club Judo, tous rêvent déjà à d'autres échéances. Le club de Villeneuve-le-Roi compte dans ses rangs un grand espoir du judo français : Romane Dicko, championne de France et d'Europe cadette dans la catégorie des + de 70 kg. La jeune pépite, qui entre en septembre à l'Insep (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance), fait la fierté de ses coéquipiers et dirigeants. Et ils comptent déjà sur elle pour être au cœur de leur prochaine virée à l'international.
"Désormais, l'objectif du club, c'est de faire monter Romane pour qu'elle participe aux JO-2020 de Tokyo, au Japon. Une chose est certaine : nous on sera dans les gradins pour la soutenir", confie la secrétaire générale du club Sonia Girault. Et nul doute que, cette fois, la délégation villeneuvoise sera beaucoup, beaucoup plus importante.