La Thaïlande va avoir une nouvelle Constitution, après le feu vert donné dimanche par la population par référendum. Ce texte controversé, proposé par la junte militaire au pouvoir, garantit à celle-ci la mainmise sur le Sénat.
La victoire est nette. La nouvelle Constitution thaïlandaise a été validée par la population, qui s'est prononcée à 62 % pour lors d'un référendum organisé dimanche 7 août, selon des résultats partiels après dépouillement de 90 % des bulletins. L'avance du vote "pour" semble irréversible, même si les résultats définitifs ne seront donnés que mercredi.
Le texte, proposé par la junte au pouvoir en Thaïlande depuis 2014, a suscité les critiques car il permettra aux militaires de contrôler la scène politique, même en cas de retour de civils au pouvoir. La nouvelle Constitution prévoit en effet que le Sénat ne sera plus élu mais nommé. Ainsi, même après le retour des élections, le Parlement se retrouvera sous la coupe d'une chambre haute que les généraux continueront de contrôler.
Absence de débat
L'opposition voit donc dans la victoire du "pour" le résultat de "pressions" exercées avant le vote, "comme dans toute dictature", a souligné Nattawut Saikua, l'un des meneurs des Chemises rouges, puissant mouvement d'opposition. Avec d'autres opposants, il a été convoqué cette semaine par la police, dans un pays où critiquer le référendum est passible de prison. Dimanche encore, un étudiant ayant déchiré son bulletin de vote en signe de protestation a été interpellé.
La principale chaîne d'opposition a été fermée pendant un mois, rappelle Delphine Thouvenot, correspondante de l'AFP en Thaïlande, sur l'antenne de France 24. De fait, à part sur Internet et les réseaux sociaux, très peu d'informations ont été données à la population sur le contenu du texte. "La propagande distribuée promet le bonheur du peuple tout simplement (...) Pas un mot n'est dit sur ce que va changer vraiment la Constitution."
Les militaires au pouvoir, eux, ont joué la carte de la démocratie pour inciter les 50 millions d'électeurs thaïlandais à adhérer à leur texte. "C'est l'avenir de la Thaïlande... C'est la démocratie, venez voter", avait lancé le chef de la junte, le général Prayut Chan-ocha, en déposant son bulletin dans l'urne dimanche.
Législatives prévues en 2017
En prenant le pouvoir par un coup d'État en mai 2014, la junte avait promis de donner un nouvel élan à la Thaïlande, divisée entre les démocrates favorables aux partis populistes créés par l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra et une élite royaliste, soutenue par l'armée et la justice. Un précédent projet de Constitution avait été rejeté à l'automne dernier, entraînant le report d'éventuelles élections. Avec l'adoption de la nouvelle Constitution, les Thaïlandais devraient pouvoir voter pour les législatives en 2017 - c'est du moins ce que martèle la junte.
Et c'est l'argument retenu par les partisans du "pour". "Je veux que la situation revienne à la normale et je veux des élections", a expliqué parmi eux à l'AFP Potchana Surapitic, 53 ans, rencontrée dans un bureau de vote de Bangkok.
La junte n'est cependant pas près de lâcher le pouvoir, en tout cas pas avant d'avoir modifié en profondeur le système politique, afin d'empêcher durablement le retour aux manettes de l'opposition, incarnée par les ex-Premiers ministres Thaksin Shinawatra et sa sœur Yingluck, dont le gouvernement a été balayé par le coup d'État de 2014.
Jusqu'ici, les militaires avaient principalement eu recours aux coups d'État, dès 2006 pour Thaksin. Mais les Shinawatra étaient toujours revenus au pouvoir sitôt des élections organisées.
Avec AFP