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"Anticonstitutionnellement"

Au menu de cette revue de presse française, jeudi 28 juillet, l’émotion et les questions, deux jours après l’assassinat du père Jacques Hamel, 85 ans, dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, en Normandie. Un attentat revendiqué par le groupe Etat islamique.

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A la Une de la presse française, ce matin, l’émotion et les questions, deux jours après l’assassinat du père Jacques Hamel, dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, en Normandie.
L’émotion, c’est ce moment de communion, partagé hier dans la cathédrale de Notre-Dame, entre la classe politique française, tous bords confondus, et des centaines de personnes, venues de tous horizons. «Oubliées, le temps d’une cérémonie en hommage au père Jacques, les polémiques sur le terrorisme», relève le Parisien. Une parenthèse de très courte durée, tant affluent les questions sur ce qui est arrivé mardi. D’après le journal, les services de renseignement avaient été informés quatre jours auparavant d’une nouvelle menace d’attentat par «un service ami», qui les aurait alertés sur la possibilité qu’un «jeune homme à la fine barbe, passe à l’acte» - un suspect qui ne serait autre que le second assaillant de l’église, d’après le Parisien. S’agissait-il d’Abdel-Malik P, ce jeune homme de 19 ans, apparu sur la vidéo diffusée hier soir par l’organisation Etat islamique, en compagnie d’Adel Kermiche? L’Obs évoque une vidéo d’à peine une minute qui montre un individu correspondant «trait pour trait» à la photo accompagnant un avis de recherche lancé le 22 juillet par les services antiterroristes. Ce jeune homme, originaire d’Aix-les-Bains, en Savoie, n’aurait jamais été condamné, mais fait l’objet, tout comme son comparse, d’une fiche S, «émise (dans son cas) récemment» selon l’Obs.
Ces informations relancent le débat sur la surveillance des individus détectés comme étant radicalisés. Adel Kermiche était en liberté sous surveillance électronique, après deux tentatives de départ avortées en Syrie, son complice était lui aussi visiblement dans le collimateur des services de renseignement… Ces derniers et la justice ont-ils les moyens juridiques et financiers d’agir? Le cadre de leur mission est-il à revoir de fond en comble? Depuis l’attentat de Nice, la droite accuse le gouvernement de ne pas avoir pris la mesure du danger. Des accusations de laxisme qui visent à présent, et en premier lieu, les magistrats, d’après l’Opinion, qui évoque une justice «mise en examen» par l’opposition – dans le dessin de Kak, on voit un juge dire à Nicolas Sarkozy qu’il a «appliqué la loi», et celui-ci fulminer: «Encore une argutie juridique». «Face au terrorisme, la justice (est) désarmée», assure le Figaro, qui affirme que le parti des Républicains, mais aussi certains magistrats et avocats, «appellent à une profonde refonte du droit pénal pour l’adapter au défi du terrorisme», quitte à revoir la Constitution – ce que le gouvernement refuse. «An ticonstitutionnel(lement) n’est pas seulement le mot le plus long de la langue française, il est aujourd’hui en passe de devenir le plus utilisé dans la majorité», accuse le journal, qui juge que «l’exécutif semble prêter (à ce mot) le pouvoir magique de clore -voire d’interdire - le débat sur l’opportunité de renforcer l’arsenal antiterroriste». Le gouvernement, lui, dit qu’il ne faut pas sacrifier davantage les libertés individuelles au nom de la sécurité. La majorité accuse la droite de donner dans la surenchère, de faire de l’Etat de droit, qui garantit ces libertés, un obstacle à la sécurité. «De l’Etat de droit à l’Etat de droite? »,  s’interroge Libération, qui explique que le gouvernement et les élus de gauche veulent éviter des lois prises sous le coup de l’émotion – échaudés, sans doute, par le fiasco sur la déchéance de nationalité -  tout en renforçant la lutte contre le terrorisme. Libé voit surtout dans les critiques de la droite une stratégie électoraliste la droite républicaine étant soupçonnée de se livrer à une course à l’échalote avec l’extrême-droite. A voir avec le dessin de Willem: «L’heure est grave», annonce un Nicolas Sarkozy transformé en vautour, volant aux côtés de Marine Le Pen.
Ces débats, ces déchirements, traduisent aussi un certain désarroi face au phénomène du terrorisme. «Comment en sortir?». La réponse à cette question ne sera pas seulement sécuritaire, prévient l’Humanité, qui dit qu’il faut renforcer les moyens de la justice, et pas l’arsenal judiciaire, ou encore impulser une politique d’égalité au Proche-Orient. «Que faire encore?», s’interroge la Croix, qui évoque les conclusions du rapport parlementaire publié le 5 juillet dernier, qui demande une réforme en profondeur du renseignement intérieur pour «être au plus près du terrain». Prévention et réinsertion, demande aussi le journal, qui ne s’exonère pas lui-même d’une remise en question. La Croix annonce sa décision de ne rendre publics désormais que le prénom et les initiales des gens impliqués dans des affaires de terrorisme, «pour ne pas en faire les héros médiatiques de leurs propres dérives». Une prise de conscience partagée par plusieurs médias français, dont le Monde et France 24, qui ont décidé de ne plus publier, non plus, les photos des terroristes présumés.
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