
Après l'Assemblée nationale, c'est le Sénat qui a adopté, mercredi soir, la prolongation de l'état d'urgence en France pour une période de six mois. Le président de la République propose par ailleurs une "garde nationale".
Moins d'une semaine après l'attentat de Nice, le Sénat a voté, mercredi 20 juillet, la prolongation pour six mois de l'état d'urgence. Et ce, après que l'Assemblée nationale l’a adoptée la nuit précédente.
Sénateurs et députés devaient essayer dans la foulée de trouver une version commune aux deux chambres dans le cadre d'une commission mixte paritaire. En cas de réussite, la prolongation fera l'objet d'une dernière navette jeudi, qualifiée de formalité au Sénat. En cas d'échec, c'est l'Assemblée qui aura le dernier mot.
François Hollande avait décidé quelques heures après l'attaque sur la Promenade des Anglais, qui a fait 84 morts et 300 blessés, de prolonger de trois mois l'état d'urgence. La période a été portée à six mois par les députés, un objectif partagé par les sénateurs.
Ces derniers ont adopté le texte par 309 voix contre 26, essentiellement communistes.
Des rassemblements interdits
Les sénateurs ont notamment permis l’interdiction des rassemblements, dont la sécurité ne serait pas assurée. Ils ont aussi facilité la fermeture des lieux de culte où sont tenus des propos incitant à la haine et à la violence.
L'application du régime de la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté aux personnes condamnées pour un crime terroriste a également été votée, malgré l'opposition de la gauche.
Au terme d'un examen marathon à l'Assemblée, les députés avaient adopté ce quatrième projet de loi de prorogation peu avant 5 h mercredi. Mais cet unanimisme au moment du vote global masque là encore des divergences droite-gauche sévères, notamment en matière de réponses au terrorisme.
"Pas de centre de rétention pour les personnes suspectes"
Face aux demandes des Républicains (LR) de "changer le droit", Manuel Valls a rejeté toute "législation d'exception", notamment des centres de rétention pour les personnes suspectes.
Pour le président de la République, "ce texte a été complété par tout ce qui peut accroître l'efficacité, sans rompre avec l'État de droit", argumentait-il mercredi matin lors d'une visite au Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier (Dordogne).
Quant à Manuel Valls, il estimait devant les sénateurs que "ce gouvernement ne sera[it] pas celui qui créera[it] des 'Guantanamo à la française', dans lesquels des individus seraient enfermés pour des durées indéterminées, sur la base de simples suspicions". Ajoutant : "Nous devons résister à ces idées, à cette fuite en avant et ne pas nous perdre dans ces surenchères".
"La colère est légitime"
Depuis l'attentat de Nice, troisième attaque meurtrière massive en 18 mois, le pays est marqué par l'émotion, mais aussi par la tension, avec un raidissement de la classe politique à l'approche d'échéances électorales. "La colère est légitime" mais celle-ci "ne peut dégénérer dans la haine et la suspicion", a averti le chef de l'État.
C'est dans ce contexte qu'il a appelé mercredi à s'investir dans les différentes réserves pour constituer une "garde nationale" de fait, une idée évoquée devant le Congrès après les attentats du 13 novembre.
Ce sont 15 000 réservistes opérationnels de gendarmerie et de police qui seront disponibles "d'ici à la fin du mois", contre 12 000 actuellement, afin d’"assurer la sécurité des différents événements de l'été". La Défense "mobilisera les 28 000 titulaires d'un contrat d'engagement pour qu'ils se tiennent prêts lors des prochaines semaines".
François Hollande a en outre décidé de "recourir à la réserve opérationnelle de deuxième niveau", soit "un vivier supplémentaire de 10 000 retraités de la gendarmerie".
Cinq suspects toujours entendus
Côté enquête, la totalité des 84 victimes tuées dans l'attentat ont été formellement identifiées. Les obsèques des victimes à travers la France devraient se poursuivre mercredi et toute la semaine.
La garde à vue d'un deuxième suspect, un homme de 22 ans, destinataire d'un SMS évoquant des "armes" envoyé par le tueur de Nice quelques minutes avant l'attentat, a été prolongée mercredi matin au-delà de quatre jours. Cinq suspects étaient toujours entendus dans les locaux des services antiterroristes de Levallois-Perret, près de Paris.
Aucun n'était connu des services de renseignement, de même que le tueur Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Son allégeance au groupe État islamique, qui a revendiqué l'attentat, n'est pas démontrée à ce stade.
Avec AFP