La capitale irakienne a été frappée, dimanche, par un attentat qui a tué plus de 200 personnes. Quelques jours après le drame, Mustafa al-Najafi, un Irakien installé à Londres, a décidé de donner un visage aux victimes grâce aux réseaux sociaux.
#NotJustANumber. Le hashtag choisi par Mustafa al-Najafi pour présenter son projet sur Twitter résume bien celui-ci. Pour que les victimes de l'attentat qui a frappé Bagdad dimanche 3 juillet ne soient pas "juste un nombre", cet Irakien installé à Londres s’est lancé dans l’identification de ces hommes et de ces femmes.
Certaines étaient des connaissances de Mustafa al-Najafi, d’autres des inconnus, dont la photo a été retrouvée sur les réseaux sociaux. Ces tweets ont permis de mettre un visage sur une trentaine de victimes de cette attaque, relayés depuis par des dizaines de personnes.
Autant d'individus qui ont pu découvrir ce qu’ils avaient en commun avec les victimes. Comme Mohamed, futur papa de Moustapha et commerçant de profession, d’Adel, fraîchement fiancé, ou encore de la petite Rouqaya, de son frère Habi et de leur père.
Deux poids, deux mesures
Il y a aussi toutes ces victimes sans nom, dont on ne connaîtra que l’activité mais dont les regards et les sourires donnent l’occasion aux internautes d’imaginer leur personnalité : ces jeunes hommes diplômés de l’université, "prêts à se lancer dans une nouvelle vie", celui-ci dont la coiffure élaborée laisse supposer un certain goût pour la mode ou celui-là, timide peut-être, qui retient son sourire.
Avant de publier les mini-biographies de ces personnes, Mustafa al-Najafi avait posté sur Twitter des messages d’indignation devant la couverture, insuffisante, selon lui, de l’attaque de dimanche dans les médias occidentaux.
"Alors que le processus de mise en avant des portraits de victimes d’attentats était auparavant l’apanage des grands médias, […] avec les réseaux sociaux, les particuliers s’approprient désormais les codes du traitement journalistique pour publier eux-mêmes leurs hommages", assure Gérôme Truc, sociologue et auteur de "Sidérations. Une sociologie des attentats" (PUF).
Les réseaux sociaux permettent également de rendre visible une parole critique sur la différence de traitement médiatique d’un attentat à un autre. "Les journalistes sont ainsi poussés à s’interroger sur leurs propres pratiques et donc cela entraîne une forme d’évolution", analyse le sociologue.
"La compassion a besoin de singularité"
Si la publication des portraits des victimes d'un attentat peut avoir des effets ambivalents sur certains de leurs proches, elle permet néanmoins de les singulariser. Or, "la compassion a besoin de singularité", affirme Gérôme Truc.
Paradoxalement, pour le sociologue, cette singularisation des victimes permet dans un second temps de les faire entrer dans le registre universel : "Des Occidentaux voyant la photo d’un jeune père, d’un étudiant ou d’un enfant peuvent se sentir concernés et se dire que même les Irakiens ont ces histoires-là".
L’Irak est régulièrement le théâtre de violences mais le bilan de l’attentat de dimanche - plus de 200 morts - en fait l’attaque de l’organisation de l’État islamique à Bagdad la plus meurtrière de l’année 2016.