Le Premier ministre canadien a obtenu la suspension des activités du Parlement jusqu'au vote du budget. Il échappe au vote de confiance à son encontre, envisagé depuis plusieurs jours par une coalition des trois formations d'opposition.
Reuters - La gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, a autorisé jeudi le Premier ministre conservateur, Stephen Harper, à suspendre le parlement, ce qui lui permettra d'éviter le vote de confiance qui était prévu pour lundi, et en vue duquel trois formations d'opposition s'étaient alliées pour le faire chuter.
Harper a précisé que le parlement ne reprendrait ses travaux que le 26 janvier prochain, à la veille de l'examen du budget, et ajouté que la suspension donnerait à tous les partis de l'échiquier politique l'occasion de s'atteler ensemble aux problèmes économiques.
Le chef du gouvernement s'était rendu jeudi matin chez la gouverneure générale, qui représente sur place le chef de l'Etat du Canada, à savoir la reine Elizabeth II, pour lui présenter sa requête. Michaëlle Jean, qui se trouvait en visite en République tchèque en début de semaine, était rentrée plus tôt que prévu de Prague, de manière à faire face à la crise politique.
Grâce à cette suspension, qui est un recours très rare dans l'histoire constitutionnelle du Canada, Harper fait échec aux tentatives de l'opposition de parvenir au pouvoir, moins de deux mois après avoir été battue aux législatives du 14 octobre.
Le Parti conservateur d'Harper, qui est minoritaire au parlement, a conforté ses positions lors de ces élections, en remportant 143 sièges, mais l'ensemble des partis de l'opposition disposent de 163 sièges.
L'opposition, qui accuse Harper de fuir ses responsabilités, a formé ces derniers jours un front commun réunissant le Parti libéral (grand perdant des législatives), le Nouveau parti démocratique (NPD) et les souverainistes du Parti Québécois.
Les pressions de l'opposition n'ont pas porté leurs fruits. Mercredi, le chef du Parti libéral Stéphane Dion, qui d'après l'accord de coalition deviendrait Premier ministre si l'opposition parvenait au pouvoir, avait écrit à Michaëlle Jean pour l'exhorter à refuser de suspendre le parlement.
"Vous ne pouvez accepter cette violation de notre constitution et cet affront à notre démocratie parlementaire", écrivait-il.
La demande de suspension du parlement, dans les conditions actuelles, est une première dans l'histoire du pays. Aucun chef de gouvernement n'a jamais réclamé la suspension du parlement si peu de temps après la tenue d'élections, et aucun Premier ministre n'a non plus demandé une suspension pour éviter un vote de confiance au parlement.
L'opposition accuse Harper de rester quasiment passif face à la crise financière internationale et s'indigne de voir que les récents arbitrages fiscaux du gouvernement prévoient peu de mesures de soutien à l'économie canadienne dans une période de crise internationale.
Mercredi soir, Harper s'était adressé à la nation pour dénoncer l'alliance constituée par les Libéraux et le NPD avec les souverainistes québécois.
"Dans les circonstances présentes, une coalition avec des séparatistes ne peut pas aider le Canada (...) Ce soir je vous promets que le gouvernement canadien emploiera tous les moyens légaux à sa disposition pour protéger notre démocratie, pour protéger l'économie, pour protéger le Canada", avait dit Harper.
"C'est un moment charnière dans notre histoire. L'opposition n'a démocratiquement pas le droit d'imposer une coalition avec les séparatistes, alors qu'ils avaient promis aux électeurs que cela n'arriverait jamais", a affirmé Harper. Le Bloc québécois demande l'indépendance de la province francophone.
Le discours de Harper était le premier appel de ce type diffusé dans tout le pays depuis 2005, lorsque son prédécesseur Paul Martin avait demandé qu'on laisse plus de temps pour agir à son gouvernement libéral minoritaire.