
Les membres du forum 4chan ont avoué avoir gonflé le nombre de signatures sur la pétition en ligne demandant un deuxième référendum sur le Brexit. Sur les quatre millions de signatures enregistrées, difficile de dire combien sont recevables.
La légitimité de la pétition en ligne en faveur d’un second référendum sur le Brexit, qui agite le Royaume-Uni depuis ce week-end, est remise en question. Que penser des 78 résidents "britanniques" du Vatican qui l’ont signée, ou encore des 19 qui assurent habiter à l’année sur le Territoire antarctique ? Sans compter celui qui a, soit disant, réussi à se connecter depuis la Corée du Nord, l’un des pays les plus cyber-reclus au monde.
Une chose est sûre : il n’y a pas forcément quatre millions de Britanniques en faveur d’un nouveau vote derrière toutes les signatures affichées. Le comité qui les contrôle a retiré 77 000 signatures jugées trop fantaisistes, lundi. Une purge était en effet devenue nécessaire : plus de 39 000 signataires affirmaient vivre au Vatican (alors que seules 800 personnes y résident) et 23 000 prétendaient habiter en Corée du Nord.
"Nous avons enlevé environ 77 000 signatures qui avaient été ajoutées frauduleusement. Nous continuerons à contrôler toute activité suspecte".
4chan et Marion Maréchal Le Pen
De quoi jeter un voile de suspicion sur une pétition censée symboliser le sursaut des partisans du "remain" dans l’Union européenne. L’initiative avait déjà pris un mauvais départ. Son auteur, un étudiant en sciences politiques de Leicester du nom de William Oliver Healey est un partisan du Brexit. Il avait crée la consultation en ligne en mai dernier lorsqu’il pensait que le vote serait en faveur d’un maintien dans l’UE.
Mais ce paradoxe n’est qu’une broutille comparée au grand trucage revendiqué ce week-end par des membres du controversé forum internet 4chan. Connus pour leurs blagues plus que potaches et certaines cyber-actions très critiquées (harcèlements électroniques, fausses alertes à la bombe, etc.), plusieurs de ces trublions du Net affirment avoir créé de toutes pièces des "dizaines de milliers de fausses signatures".
"Toutes les pétitions en ligne sont une fraude, et celle-ci ne fait pas exception. Il suffisait de le démontrer", affirme l’un des intervenants dans la discussion consacrée à cette "blague" sur le sous-forum "/pol" (pour politique). L’opération ne semble pas avoir été trop compliquée à mener tant la sécurisation du processus d’inscription laisse à désirer. Le formulaire demande simplement d’indiquer un nom, une adresse mail, un pays de résidence et une adresse postale. Il faut aussi affirmer qu’on est bel et bien de nationalité britannique. Même Marion Marechal Le Pen – qui n’a pourtant rien à voir avec 4chan – a réussi à signer la pétition sous le nom Napoléon Bonaparte, souligne Le Monde.
95,8 % des signataires au Royaume-Uni
Les membres de 4chan l’ont fait à une échelle beaucoup plus industrielle que l’élue frontiste. Ils affirment – capture d’écran à l’appui – avoir utilisé des programmes qui automatisent le processus d’inscription et de signature en générant à chaque fois des adresses emails fictives et des faux noms. Ils ont poussé le vice blagueur jusqu’à passer par des programmes qui permettent de créer des fausses adresses IP (les identifiants des ordinateurs sur l’Internet qui permettent notamment de géolocaliser les utilisateurs) pour donner l’impression technologique qu’ils se trouvent, par exemple, au Vatican ou à Londres.
Reste à savoir à quel point cette manipulation ôte toute crédibilité à la pétition. Après tout, 95,8 % des signataires, après la purge des 77 000 faux participants, se déclarent résidents britanniques. Les domiciliations farfelues qui incitent à la méfiance – d’Oman à la Somalie en passant par le Népal – sont ainsi largement minoritaires. L’initiative reste donc une affaire majoritairement britannico-britannique, même si certains des manipulateurs se sont faits passer de leur propre aveu pour des sujet de la reine Elizabeth. N’empêche que la légitimité de toute la démarche a été remise en cause; un argument qui ne manquera pas d’être invoqué par les partisans du Brexit si l’éventualité d’un deuxième référendum se précisait.