
Plusieurs contrats d'une valeur de 3,4 milliards d’euros pour réaliser un gigantesque tunnel sous la mer entre l'Allemagne et le Danemark ont été signés lundi. Mais le sort écologique et touristique d’une île pourrait tout remettre en cause.
Le tunnel du siècle va-t-il voir le jour ? Le géant français Vinci, l’un des principaux partenaires du consortium Femern Link Contractors en charge du chantier, a annoncé, lundi 30 mai, la signature de trois contrats d’une valeur totale de 3,4 milliards d’euros pour aider à relier, sous la mer, l’Allemagne et le Danemark.
Ces contrats ne représentent qu’une partie d’un vaste projet à près de 10 milliards d’euros qualifié comme le plus long tunnel immergé au monde pour le trafic routier et ferroviaire. Sa construction prendra des années. Il doit relier, sur 17 km sous la Baltique, le Land de Schleswig-Holstein à la région danoise du Lolland-Falster. C’est certes moins long que le tunnel sous la Manche (39 km immergés), qui est, cependant, réservé aux trains.
Deux heures trente au lieu de quatre heures
Les automobilistes pourront relier Hambourg et Copenhague en deux heures et demie. Un trajet qui dure aujourd’hui plus de quatre heures et nécessite de faire un détour de 160 kilomètres par les terres du Jutland (région danoise frontalière au nord de l’Allemagne).
Les Danois sont les plus enthousiastes à propos de ce projet. Leur Parlement a donné son feu vert le 4 mars. Ils sont prompts à en souligner les avantages économiques. Des trajets plus courts entre les deux pays devraient multiplier les opportunités commerciales pour le Danemark. Ce serait même une aubaine pour tous les pays nordiques qui auraient, ainsi, un accès plus rapide au marché de la première puissance économique européenne. Enfin, l’industrie du tourisme en sortirait grandie dans les deux pays puisque les Allemands et les Danois pourrait plus aisément visiter le voisin le temps d’un week-end.
Le Danemark a tout intérêt à être optimiste pour les retombées économiques de ce tunnel. Le pays finance, tout seul, la construction du tunnel. Un chantier évolué à près de 7 milliards d’euros. L’Allemagne ne devrait débourser qu’un peu plus de 2 milliards d’euros pour réaliser les liaisons routières de leur côté de la frontière.
L’île de la discorde
Cette addition très peu équilibrée n’empêche pas l’Allemagne de traîner des pieds. L’accord entre les deux pays pour construire ce tunnel remonte à 2008 et prévoyait un début des travaux en 2016. Mais les autorités allemandes ont fait savoir en septembre 2015 qu’il n’en serait rien et qu’il faudrait attendre encore au moins deux ans avant qu’un éventuel permis de construire soit délivré.
"Au Danemark, on apprend pourtant à tous les écoliers à quel point les Allemands sont dignes de confiance", s’agace dans le quotidien Spiegel Stig Romer Winther, l’un des responsables de Fermen Belt Development, une structure danoise qui coordonne les projets économiques autour de ce tunnel.
La cause principale de ce retard : 31 000 objections déposées par des Allemands pour s’opposer à ce tunnel. Elles doivent toutes être étudiées. Et même si les autorités passent outre, "il y a 100 % de chances que des plaintes soient ensuite déposées en justice pour empêcher la construction", assure au Spiegel Reinhard Meyer, ministre des Transports du Land de Schleswig-Holstein.
Qu’est-ce qui a motivié cette avalanche d’objections ? Le sort de la petite île de Fehmarn émeut les Allemands. L’équilibre écologique du lieu, point d’entrée du tunnel, serait menacé, d’après plusieurs ONG de défense de l’environnement. Le chantier prévu y détruirait l’habitat de la faune locale et l’écosystème sous-marin autour de l’île.
La préservation de l’environnement de Fehmarn est une question sensible pour bon nombre d’Allemands : c’est, en effet, une destination touristique très prisée. La construction du tunnel, le trafic et ses inévitables nuisances sonores en gâcheraient le charme. Pour les habitants de Fehmarn, qui tirent 80 % de leurs revenus du tourisme, ce projet d’infrastructure promet des lendemains qui déchantent.
Les craintes concernant une petite île de 185,4 km² peuvent-elle faire capoter le projet de tunnel routier et ferroviaire le plus long du monde ? Elles peuvent, en tout cas, en retarder largement la construction. Selon les autorités du Land de Schleswig-Holstein, le tunnel ne sera pas achevé avant 2027 au plus tôt. D’ici là, l’enthousiasme danois aura le temps de retomber.