
Le président turc a averti l'Union européenne qu'Ankara bloquerait l'application de l'accord sur les migrants si aucun résultat n'était obtenu concernant l'exemption de visa pour ses compatriotes d'ici au 30 juin.
Ankara durcit le ton. Le président Recep Tayyip Erdogan a averti, mardi 24 mai, l'Union européenne que le Parlement turc pourrait bloquer la mise en œuvre de l'accord sur les migrants si aucun progrès n'était fait concernant l'exemption des visas pour ses compatriotes.
"Une étape doit être franchie le 30 juin au sujet des visas [...]. Notre ministre des Affaires étrangères et notre ministre des Affaires européennes discuteront [avec les Européens]. Si un résultat est obtenu, tant mieux. Dans le cas où aucun résultat ne serait obtenu, qu'ils nous excusent", a déclaré le chef d'État turc au cours d'une conférence de presse au Sommet humanitaire mondial, qui se tenait à Istanbul. Le cas échéant, "aucune décision, aucune loi dans le cadre de l'application de l'accord de réadmission [des migrants] ne sortira du Parlement de la République de Turquie".
Ces déclarations interviennent sur fond de dégradation, ces dernières semaines, des relations entre Ankara et Bruxelles, au sujet notamment de l'impasse de la question des visas et de la situation des droits de l'Homme en Turquie.
"Les conditions ne seront pas encore remplies", selon Merkel
L'accord sur une libéralisation dès fin juin du régime d'accès des Turcs à l'espace Schengen se trouve au cœur du pacte plus large sur les migrants, qui a permis de réduire le flux des passages clandestins vers l'Europe.
Mais il semble de moins en moins probable que la Turquie obtienne gain de cause dans cette affaire depuis que Recep Tayyip Erdogan s'est opposé à un assouplissement de la loi antiterroriste turque, l'une des 72 conditions posées par Bruxelles.
Lundi, Angela Merkel a réaffirmé la nécessité de remplir tous les critères avant une telle exemption, estimant que "les conditions ne seront pas encore remplies" à cette échéance. "J'ai clairement dit que la voie vers l'exemption de visa passait par 72 points", a souligné la chancelière allemande après une rencontre avec le président turc. "Nous avons besoin de la mise en œuvre de ces points pour accorder l'exemption de visa".
"La Turquie ne demande pas une faveur"
Par ailleurs, les pays européens ont été déstabilisés par la soudaine démission de l'ex-Premier ministre Ahmet Davutoglu, interlocuteur jugé fiable. Son successeur, Binali Yildirim, a présenté mardi son nouveau gouvernement, qui porte l'empreinte d'Erdogan. Signe que les relations turco-européennes pourraient ne pas s'apaiser prochainement, un fidèle du président, Omer Celik, a récupéré le portefeuille des Affaires européennes.
Autre sujet de tensions entre Ankara et Bruxelles, une promesse d'aide européenne à la Turquie de trois milliards d'euros en 2016, dont le versement est jugé trop lent à arriver par Erdogan. "La Turquie ne demande pas une faveur. Ce que nous voulons, c'est de la sincérité", a-t-il répété.
Au cours d'un Sommet humanitaire mondial inédit, qui s'est achevé mardi, le président turc a rappelé que son pays accueillait trois millions de réfugiés, dont 2,7 millions de Syriens. Il a en outre réitéré sa proposition de construire "à partir de zéro" une ville dans une zone sécurisée dans le nord de la Syrie pour accueillir les réfugiés qui ont fui leur pays, et a dit en avoir parlé avec Angela Merkel lundi au cours de leur rencontre.
Après cet entretien, la chancelière avait fait part de sa "profonde préoccupation" au sujet de l'état de la démocratie en Turquie, quelques jours après la levée de l'immunité parlementaire de dizaines d'élus du Parti démocratique des peuples (HDP, pro-kurde) accusés de soutenir le PKK, ce qu'ils démentent. Un affaiblissement du HDP pourrait renforcer le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, en plein débat sur une nouvelle Constitution pour instaurer le régime présidentiel voulu par Erdogan, accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire.
Avec AFP