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Crise politique au Venezuela et au Brésil : Maduro, Rousseff, même combat ?

Les gouvernements brésilien et vénézuélien, tous deux de gauche, chancèlent sous les attaques de leurs adversaires, confortés par les difficultés économiques, qui réclament la mise à l’écart de leurs chefs d’État, Dilma Rousseff et Nicolas Maduro.

La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, visée par une procédure de destitution, ne sera fixée sur son sort que dans plusieurs mois. Suspendue de ses fonctions le 12 mai après un vote du Sénat à une écrasante majorité, elle risque de ne jamais reprendre le chemin du Planalto, le palais présidentiel.

Comme elle, le président vénézuélien Nicolas Maduro, arrivé au pouvoir après la mort d’Hugo Chavez, est confronté à une hyperinflation et à un prix du baril en chute libre, auxquels s’ajoute, dans son cas, le poids d’une pénurie alimentaire et énergétique. Sur lui aussi, pèse la menace, plus en plus lourde, de la destitution.

Lundi 16 mai, il s’est accordé de larges pouvoirs en matière de sécurité, de distribution de nourriture et d’énergie, grâce à l’instauration de "l’état d’exception" par décret, pour au moins 60 jours. La manœuvre a provoqué la furie de ses opposants.

L’opposition vénézuélienne a pris le contrôle de l’Assemblée nationale en janvier 2016 et cherche désormais à organiser un référendum pour démettre le président en exercice. Elle affirme avoir collecté 1,8 million de signatures en ce sens.

Séparation des pouvoirs

Les deux procédures, l’impeachment brésilien et le référendum révocatoire vénézuélien, sont toutes deux gravées dans le marbre de leurs constitutions respectives, note Carlos Malamud, chercheur au Real Instituto Elcano, dans un entretien avec France 24. Le premier mécanisme implique un vote du Parlement, tandis que le second confère aux électeurs ordinaires le pouvoir de mettre fin au mandat du président.

"Le Brésil peut compter sur un pouvoir judiciaire fort et indépendant, qui a permis au processus d’impeachment d’aller aussi loin", explique le chercheur, selon qui la situation est tout à fait différente concernant Nicolas Maduro. "Au Venezuela, la Cour suprême répond de ses décisions devant le pouvoir exécutif, donc les efforts de l’Assemblée nationale n’auront que peu de résultats."

Cette semaine, Human Rights Watch a d’ailleurs fustigé le manque d’indépendance de la justice vénézuélienne (en anglais), appelant l’Organisation des États américains (OEA) à agir. Mais même si l’OEA prenait cet appel au sérieux, il lui serait difficile d’exercer une quelconque influence sur Caracas.

"La tenue d’un référendum révocatoire est peu probable, quasi impossible", juge Carlos Malamud, notant que le vice-président Aristobulo Isturiz, fidèle à Maduro, a exclu la possibilité d’un vote populaire lundi 16 mai, dénonçant un processus entaché de fraudes.

Le même jour, le chef de la commission encadrant la tentative de référendum, Jorge Rodriguez, par ailleurs nommé par Nicolas Maduro, a affirmé que des milliers de signatures provenaient de Vénézuéliens décédés.

Le lendemain, Nicolas Maduro emboîtait le pas des deux hommes et évoquait lui aussi des "fraudes", annonçant que ce référendum, pas "viable", n'allait pas "aboutir".

Une date butoir imminente

"Je ne crois pas que les deux situations [brésilienne et vénézuélienne] soient similaires", estime Anna Ayuso, directrice de recherche au Barcelona Centre for International Affairs. "Cela fait longtemps que l’opposition vénézuélienne joue la carte du référendum alors que l’impeachment de Rousseff n’est devenu possible que lorsque le Parti de la social-démocratie brésilienne [le PSDB, avec qui elle a d’abord gouverné] l’a laissée tomber. Au Venezuela, l’opposition a toujours été sur la même longueur d’onde."

La chercheuse a toutefois convenu que le succès du référendum vénézuélien était improbable. Ne serait-ce qu’en raison de la date butoir, difficilement tenable selon elle. Le vote populaire doit en effet avoir lieu avant la fin de l’année 2016 pour déclencher de nouvelles élections. Or, avec le soutien de la Cour suprême, Nicolas Maduro peut retarder l’échéance.

Si le référendum a lieu en 2017 et que l’actuel président est révoqué, le vice-président Aristobulo Isturiz, tout acquis à Maduro, le remplacera jusqu’au terme de son mandat. La manœuvre perdrait donc de son utilité.

Gagner du temps

L’opposition vénézuélienne a appelé à manifester, mercredi 18 mai, contre l’état d’urgence et contre les manœuvres visant à retarder leur référendum, laissant craindre un nouvel épisode de violences. En 2014, 43 personnes avaient été tuées lors de heurts entre les manifestants et la police. Pour Anna Ayuso, le danger est réel, en dépit des efforts de l’opposition pour empêcher de tels débordements.

"Eu égard à ce qui s’est passé en 2014, l’opposition s’est abstenue d’appeler à de violentes manifestations mais le risque subsiste, surtout à Caracas qui est l’une des villes les plus dangereuses au monde", estime Anna Ayuso.

L’armée joue un rôle clé dans le maintien de l’ordre au Venezuela, poursuit la chercheuse. En cas d’émeutes, son comportement sera déterminant pour l’avenir du président Maduro. Jusqu’ici, les militaires ont indiqué vouloir éviter la confrontation avec les civils.

Alors que le Venezuela ne devrait pas sortir de récession avant fin 2017, Nicolas Maduro semble aussi accuser un déficit de popularité. "Il sait qu’il perdrait si des élections étaient organisées aujourd’hui, estime Anna Ayuso. Le mieux qu’il puisse faire est donc de temporiser et d’espérer reprendre la main sur le pays."